Roblès, Emmanuel (1914-1995)
Biographie
Emmanuel Roblès naît à Oran dans une famille ouvrière d'origine espagnole. Il fréquente une école primaire du centre d'Oran dénommée école Kargentah puis école Jules-Renard, où il se lie d'amitié avec le peintre Antoine Martinez, qui fera plus tard son portrait. Son père étant mort quelques mois avant sa naissance, il grandit entouré de sa mère et de ses sœurs. L'absence du père devient dès lors une dominante dans son œuvre. Doué pour les études, il entre à l'École normale d'Alger où il a pour condisciple Mouloud Feraoun.
Il visite plusieurs pays d'Europe dont l'URSS en 1934, puis l'Indochine et la Chine du Sud en 1935. Il fait son service militaire à Blida, puis à Alger. En septembre 1937, il rencontre Albert Camus à une répétition du théâtre de l'Équipe, ils se découvrent de nombreux points communs et se lient d'amitié. Il rejoint alors le groupe de jeunes écrivains qui se retrouvent autour du libraire-éditeur Edmond Charlot : Camus, René-Jean Clot, Gabriel Audisio, Max-Pol Fouchet et Claude de Fréminville. En 1938 paraît l'Action, son premier roman, et Camus le fait entrer à Alger républicain où il publie, sous le pseudonyme d'Emmanuel Chênes, La Vallée du paradis sous forme de feuilleton. Il prépare aussi une licence d'espagnol à la faculté des lettres. Il est l'un des premiers à traduire les écrits poétiques de Federico García Lorca.
La guerre coupe court à ses études, il devient alors interprète auxiliaire de l'armée, officier-interprète, puis correspondant de guerre en 1943. Il est envoyé, à ce titre, en Corse, en Sardaigne, et en Italie du sud, et participe à des missions de bombardement sur l'Italie du nord et des îles de l'Adriatique. Il est aussi victime de plusieurs accidents d'avion. Il est démobilisé en avril 1946 à Paris. Il collabore alors à divers journaux : Le Populaire, Gavroche, Combat, Aviation française.
En 1947, il retourne à Alger et y fonde la revue littéraire Forge ; on y trouve les signatures de Mohammed Dib, Kateb Yacine, Jean Sénac, Ahmed Sefrioui, Malek Ouary. Il anime aussi une émission littéraire à Radio Alger. En 1948, il reçoit le prix Femina pour Les Hauteurs de la ville. Il rédige sa première pièce de théâtre, Montserrat. L'œuvre, créée le même jour à Alger et à Paris (au théâtre de la Gaîté-Montparnasse), obtient tout de suite un retentissement considérable et reçoit le prix de Portique en juin 1948.
Il fonde, en 1951, aux Éditions du Seuil, la collection « Méditerranée », qui révèle des écrivains comme Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, José Luis de Vilallonga et Marie Susini. Il voyage au Mexique, en 1954, et au Japon, en 1957, ce qui lui inspire respectivement les romans Les Couteaux et L'Homme d'Avril. Il fait jouer La vérité est morte et publie un roman qui connaît un succès vif : Cela s'appelle l'aurore. Luis Buñuel en tire un film éponyme qui sort en 1955. Il se passionne également pour une compagnie théâtrale d'amateurs Le Théâtre de la rue, dont il est l'un des fondateurs. En 1956, il participe au Comité pour la trêve civile en Algérie et préside l'appel à la trêve du 22 janvier. En avril, il perd son fils puis un ami médecin ; il appelle alors à ses côtés son ami Albert Camus. À la mort de celui-ci, il fait partie du premier cercle qui soutient Francine Camus. Après l'assassinat par l'OAS de Mouloud Feraoun le 15 mars 1962, il obtient la publication du Journal 1955-1962, tenu par ce dernier jusqu'à la veille de sa mort et dont il rédige la préface.
Il travaille aussi pour des adaptations et dialogues dans plusieurs films et téléfilms. À Paris, il devient membre du comité directeur du mouvement Peuple et culture. Il devient membre de l'académie Goncourt en 1973 (élu au fauteuil de Roland Dorgelès). Il fut membre du comité d'honneur de la Maison internationale des poètes et des écrivains de Saint-Malo.
En 1984, il se rend dans la région autonome du Tibet. Il tire de ce voyage un livre intitulé Routes tibétaines, publié en 1986. Víctor Alba remarque qu'après sa visite, et peu de temps avant une révolte de Tibétains contre les Chinois, il a affirmé qu'il régnait au Tibet une liberté religieuse absolue. Il est considéré pour son ouvrage sur le Tibet comme un « propagandiste de la cause chinoise » par le sinologue Philippe Paquet
Il meurt en 1995 à 80 ans à Boulogne-Billancourt.
Postérité
Depuis 1991, la ville de Blois décerne chaque année le prix Emmanuel-Roblès du premier roman.
Les archives et la correspondance d'Emmanuel Roblès sont déposées à la bibliothèque francophone multimédia de Limoges.