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Senghor, Léopold Sédar (1906-2001)

Contents


Biographie

Son enfance (1906 - 1928)

Léopold Sédar Senghor naît le {{date}} à Joal, petite ville côtière située au sud de Dakar, Sénégal. Son père, Basile Diogoye Senghor, est un commerçant catholique aisé appartenant à l'aristocratie sérère du Sénégal. Originaire de Djilor, sa mère, Gnilane Ndiémé Bakhoum (?-1948), que Senghor appelle dans Élégies « Nyilane la douce », appartient à l'ethnie sérère et à la lignée Tabor mais a des origines peules. C'est la troisième épouse de Basile Diogoye Senghor, dont elle aura six enfants dont deux garçons. Les deux branches de sa famille appartiennent à la noblesse Sérère, les Guelwar. Le prénom sérère Sédar signifie « qu’on ne peut humilier ». Son prénom catholique « Léopold » lui fut donné par son père en souvenir de Léopold Angrand, riche commerçant métis ami et employeur ponctuel de son père. Avant son baptême, Sédar Gnilane (il était alors d'usage que le prénom du fils fût accompagné de celui de sa mère), futur Léopold, passe les premières années de sa vie chez sa famille maternelle, les Bakhoum. Puis de retour chez son père, le jeune Léopold fréquente plus tard la mission catholique de Joal (auprès du père Dubois) où il apprend le catéchisme et les premiers rudiments de la langue française. Senghor commence ses études au Sénégal, d'abord chez les Pères Spiritains à Ngazobil pendant six ans, puis à Dakar au collège-séminaire François Libermann et au cours secondaire de la rue Vincens, qui s'appellera plus tard le lycée Van-Vollenhoven et aujourd'hui lycée Lamine-Guèye. Il est déjà passionné de littérature française. Bon élève, il réussit le baccalauréat, notamment grâce au français et au latin. Le directeur du lycée et ses professeurs recommandent d'envoyer Senghor poursuivre ses études en France. Il obtient une demi-bourse de l'administration coloniale et quitte pour la première fois le Sénégal à l'âge de 22 ans.

Études supérieures

Senghor arrive à Paris en 1928. Cela marque le début de « seize années d’errance », selon ses dires. Il étudie en classes préparatoires littéraires au lycée Louis-le-Grand (grâce à l'aide du député du Sénégal Blaise Diagne) et également à la faculté des lettres de l'université de Paris. À Louis-le-Grand, il côtoie Paul Guth, Henri Queffélec, Robert Verdier et Georges Pompidou, avec qui il se lie d'amitié. Il y rencontre également Aimé Césaire pour la toute première fois. Il obtient en 1931 une licence de lettres.

Début de carrière dans l'enseignement

En 1935 il est reçu au concours d'agrégation de grammaire, après une première tentative non couronnée de succès. Il est le premier Africain lauréat de ce concours. Pour s'y présenter il a dû faire une demande de naturalisation.

Il commence sa carrière de professeur de lettres classiques au lycée Descartes à Tours, puis est muté, en octobre 1938, au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, dans la région parisienne (une stèle y commémore son passage). Outre ses activités d'enseignant, il suit des cours de linguistique négro-africaine dispensés par Lilias Homburger à l'École pratique des hautes études et ceux de Marcel Cohen, Marcel Mauss et de Paul Rivet à l'Institut d'ethnologie de Paris.

Seconde Guerre mondiale (1939 - 1945)

En 1939, Senghor est enrôlé comme fantassin de {{2e}} classe dans un régiment d'infanterie coloniale. Il est affecté au {{31e}} régiment d'infanterie coloniale, régiment composé d'Africains, malgré la naturalisation de Senghor en 1932. Le 20 juin 1940, il est arrêté et fait prisonnier par les Allemands à La Charité-sur-Loire. Il est interné dans divers camps de prisonniers (Romilly, Troyes, Amiens). Il est ensuite transféré au Frontstalag 230 de Poitiers, un camp de prisonniers réservé aux troupes coloniales. Les Allemands voulaient le fusiller le jour même de son incarcération ainsi que les autres soldats noirs présents. Ils échapperont à ce massacre en s'écriant « Vive la France, vive l’Afrique noire ». Les Allemands baissent leurs armes car un officier français leur fait comprendre qu'un massacre purement raciste nuirait à l'honneur de la race aryenne et de l'armée allemande. Senghor facilite l'évasion de deux soldats français. Il est transféré au camp disciplinaire des Landes à la fin de l'année 1941. En 1942, il est libéré, pour cause de maladie. Au total, Senghor passera deux ans dans les camps de prisonniers, temps qu'il consacrera à la rédaction de poèmes. Il reprend ses activités d'enseignant et participe à la résistance dans le cadre du Front national universitaire.

L’homme d'État

Dans la France coloniale (1945 - 1960)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il devient communiste. Il reprend la chaire de linguistique à l’École nationale de la France d'outre-mer qu'il occupera jusqu'à l'indépendance du Sénégal en 1960. Au cours d'un de ses voyages de recherche sur la poésie sérère au Sénégal, le chef de file local des socialistes, Lamine Guèye lui propose d'être candidat à la députation. Senghor accepte et est élu député de la circonscription Sénégal-Mauritanie à l'Assemblée nationale française où les colonies viennent d'obtenir le droit d'être représentées. Il se démarqua de Lamine Gueye au sujet de la grève des cheminots de la ligne Dakar-Niger. Ce dernier vote contre car le mouvement social paralysait la colonie alors que Senghor soutient le mouvement, ce qui lui valut une grande popularité, et lui inspira un de ses plus beaux poèmes (Élégie pour Aynina Fall).

Le {{date}}, Senghor se marie avec Ginette Éboué (1923-1992), attachée parlementaire au cabinet du ministre de la France d'Outre-mer et fille de Félix Éboué, ancien gouverneur général de l'Afrique-Équatoriale française ; avec qui il eut deux fils, Francis-Arphang (né le {{date}}) et Guy-Wali (né le {{date}}, décédé en 1983 à la suite d'une chute du cinquième étage de son appartement de Paris. Il lui consacrera le poème « Chants pour Naëtt » repris dans le recueil de poèmes « Nocturnes » sous le titre « Chants pour Signare ».

Fort de son succès, il quitte l'année suivante la section africaine de la section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) qui avait soutenu financièrement en grande partie le mouvement social, et fonde avec Mamadou Dia le Bloc démocratique sénégalais (1948), qui remporta les élections législatives de 1951. Lamine Guèye perd son siège.

{{refnec}}. Réélu député en 1951 comme indépendant d'Outre-mer, il est secrétaire d'État à la présidence du Conseil dans le gouvernement Edgar Faure du {{1er}} mars 1955 au {{1er}} février 1956, devient maire de Thiès au Sénégal en novembre 1956 puis ministre conseiller du gouvernement Michel Debré, du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961. Il fut aussi membre de la commission chargée d’élaborer la constitution de la Cinquième République, conseiller général du Sénégal, membre du Grand Conseil de l'Afrique occidentale française et membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Entre temps, il avait divorcé de sa première femme en 1956 et s'était remarié l'année suivante avec Colette Hubert, une Française originaire de Normandie, avec qui il eut un fils, Philippe-Maguilen (17 octobre 1958 - 4 juin 1981), décédé accidentellement à Dakar. Il consacrera le recueil « Lettres d'Hivernage » à sa seconde femme. Senghor fait paraître en 1964 le premier d'une série de cinq volumes intitulée « Liberté ». Ce sont des recueils de discours, allocutions, essais et préfaces.Drapeau de la Fédération du MaliSenghor est un fervent défenseur du fédéralisme pour les États africains nouvellement indépendants, une sorte de « Commonwealth à la française ». Le 13 janvier 1957, une « convention africaine » est créée. La convention réclame la création de deux fédérations en Afrique française. Senghor se méfie de la balkanisation de l'AOF en huit petits états. Le fédéralisme n'obtenant pas la faveur des pays africains, il décide de former, avec Modibo Keïta, l'éphémère fédération du Mali avec l'ancien Soudan français (l'actuel Mali). La fédération du Mali est constituée en janvier 1959 et regroupe le Sénégal, le Soudan français, le Dahomey (l'actuel Bénin) et la Haute-Volta (l'actuel Burkina Faso). Un mois après, le Dahomey et la Haute-Volta quittent la fédération refusant sa ratification. Les deux fédéralistes se partagent les responsabilités. Senghor assure la présidence de l'Assemblée fédérale. Modibo Keïta prend la présidence du gouvernement. Les dissensions internes provoquent l'éclatement de la fédération du Mali. Le 20 août 1960, le Sénégal proclame son indépendance et le 22 septembre, Modibo Keïta proclame l’indépendance de la République soudanaise qui devient la République du Mali.

Au Sénégal (1960 - 1981)

général Fall]], Valdiodio N'diaye, Mamadou Dia, Léopold Sédar Senghor Élu le {{Date}} à l'unanimité de l'Assemblée fédérale, Senghor préside la toute nouvelle République du Sénégal. Il est l'auteur de l'hymne national sénégalais, le Lion rouge.

Le Premier ministre, Mamadou Dia, est chargé de la mise en place du plan de développement à long terme du Sénégal tandis que Senghor est chargé des relations internationales. Les deux hommes entrent rapidement en conflit. En décembre 1962, Mamadou Dia est arrêté et accusé de « tentative de coup d’État » avec 4 autres ministres, Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ils resteront douze années en prison (à Kédougou, Sénégal oriental). Lors de leur incarcération, des personnalités comme Jean-Paul Sartre, le pape Jean XXIII ou encore François Mitterrand demandent leur libération ; mais Senghor reste sourd jusqu'en mars 1974, année à laquelle il décide de les gracier et de les libérer. Aujourd'hui encore cet épisode dramatique de l'histoire du Sénégal reste un sujet délicat car beaucoup considèrent cet événement comme la première véritable dérive politicienne de la part de Senghor, dans un pays qui passait alors pour un modèle de démocratie.

À la suite de cet événement, Senghor instaure un régime présidentiel autoritaire (seul son parti, l'UPS, est autorisé). Le 22 mars 1967 Senghor échappe à un attentat, le coupable est condamné à mort.

En mai et juin 1968, les étudiants de l'université de Dakar présentent leurs revendications et se mettent en grève. Cette révolte soutenue par la population s'étend à tous les secteurs et ébranle le régime. Senghor fuit sa capitale et doit appeler l'armée française à son secours. Senghor doit cependant accéder à certaines revendications comme celle d'avoir un Premier ministre.

Senghor démissionne de la présidence, avant le terme de son cinquième mandat, en décembre 1980. Abdou Diouf, Premier ministre, le remplace à la tête du pouvoir, en vertu de l'article 35 de la Constitution. Sous la présidence de Senghor, le Sénégal a supprimé puis réinstauré le multipartisme en 1976 (limité à trois courants : socialiste, communiste et libéral, puis quatre, les trois précédents rejoints par le courant conservateur), et a mis en place un système éducatif performant. Senghor est souvent reconnu pour être un démocrate. Néanmoins, il a réprimé violemment ses opposants Mamadou Dia et Valdiodio Ndiaye ainsi que plusieurs mouvements estudiantins.

Francophonie

206x206pxIl soutient la création de la Francophonie et fut le vice-président du Haut-Conseil de la Francophonie.

En 1962, il est l'auteur de l'article fondateur « le français, langue de culture » dont est extraite la célèbre définition : « La Francophonie, c'est cet Humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre ».

Il théorise un idéal de francophonie universelle qui serait respectueuse des identités et imagine même une collaboration avec les autres langues latines.

En 1969, il envoie des émissaires à la première conférence de Niamey (17 au 20 février) avec ce message :

« La création d’une communauté de langue française sera peut-être la première du genre dans l’histoire moderne. Elle exprime le besoin de notre époque où l’homme, menacé par le progrès scientifique dont il est l’auteur, veut construire un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos. »

Il est considéré, avec Habib Bourguiba (Tunisie), Hamani Diori (Niger) et Norodom Sihanouk (Cambodge), comme l'un des pères fondateurs de la Francophonie.

En 1971, Sedar Senghor devient le parrain de la Maison de la Négritude et des Droits de l'Homme et de la négritude à Champagney dans la Haute-Saône. Musée d'une ville qui fut la seule à écrire un cahier de doléance pour l'abolition de l'esclavage.

En 1982, il a été l'un des fondateurs de l'Association France et pays en voie de développement dont le principal objectif était de faire prendre conscience des problèmes de développement que connaissent les pays du Sud, dans le cadre d'une refonte des données civilisatrices.

L’académicien (1983)

Après avoir été désigné Prince des poètes en 1978, il est élu à l'Académie française le {{Date}}, au {{16e}} fauteuil, où il succède au duc de Lévis-Mirepoix. Il est le premier Africain à siéger à l'Académie française, celle-ci poursuivant ainsi son processus d'ouverture après l'entrée de Marguerite Yourcenar. La cérémonie par laquelle Senghor entre dans le cercle des immortels a lieu le 29 mars 1984, en présence de François Mitterrand.

Ses obsèques (2001)

Calvados]]).

En 1993, paraît le dernier volume des « Liberté » : « Liberté 5 : le dialogue des cultures ».

Malade, Senghor passe les dernières années de son existence auprès de son épouse, à Verson, en Normandie, où il décède le {{date}}. Ses obsèques ont lieu le {{date}} à Dakar, organisées par le président Abdoulaye Wade et en présence d'Abdou Diouf, ancien président, de Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale française et de Charles Josselin, secrétaire d’État français auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie. Jacques Chirac (« La poésie a perdu un maître, le Sénégal un homme d'État, l'Afrique un visionnaire et la France un ami ») et Lionel Jospin, respectivement président de la République française et Premier ministre de l'époque, ne s'y rendent pas. Ce manque de reconnaissance suscite une vive polémique, et {{par qui}} avec les tirailleurs sénégalais qui, après avoir contribué à la libération de la France, ont dû attendre plus de 40 ans pour avoir le droit de percevoir une pension équivalente à celle de leurs homologues français. L'académicien Erik Orsenna, lui-même très attaché au Sénégal et à l'Afrique, écrit dans Le Monde un point de vue intitulé : « J'ai honte ». Dans les milieux littéraires et poétiques, l'absence des deux premiers responsables politiques français à ces obsèques est encore plus sévèrement jugée. On a pu lire : {{citation}}{{Référence nécessaire}}

Le fauteuil numéro 16 de l'Académie française laissé vacant par la mort du poète sénégalais, c'est un autre ancien président, Valéry Giscard d'Estaing, qui le remplace. Comme le veut la tradition, il rend hommage à son prédécesseur lors d'un discours de réception donné le {{Date}}. Confronté au puzzle senghorien, il décide de présenter les différentes facettes de Senghor « De l’élève appliqué, puis de l’étudiant déraciné ; du poète de la contestation anti-coloniale et anti-esclavagiste, puis du chantre de la négritude ; et enfin du poète apaisé par la francisation d’une partie de sa culture, à la recherche lointaine, et sans doute ambiguë, d’un métissage culturel mondial ».

Le 29 novembre 2014, le président de la République française François Hollande, en marge du sommet de la Francophonie organisé à Dakar, se recueille sur la tombe de Léopold Sédar Senghor et déclare qu’ {{citation}}, et inaugure un musée Senghor, aménagé dans l’ancienne résidence privée du président sénégalais.