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Morand, Paul (1888-1976)

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Biographie

Le jeune Morand

Son père, Eugène Édouard Morand, occupe à Paris, grâce à l'entremise de son beau-frère Abel Combarieu, directeur du cabinet du président de la République plusieurs fonctions liées à l'art : conservateur du Dépôt des marbres en 1902, directeur de l'École nationale supérieure des arts décoratifs en 1908. Il fréquente également les poètes, dont le cercle des Amis de Mallarmé, les artistes et les sculpteurs, dont Auguste Rodin, pendant la jeunesse de Paul. On lui prête cette simple réponse à la sempiternelle question : {{Citation}}

Eugène Édouard Morand meurt en 1930, et son épouse en 1947. Paul Morand a pour oncle Abel Combarieu, secrétaire général et directeur du cabinet civil de la Présidence de la République de 1899 à 1906 et frère du musicologue Jules Combarieu. C'est Abel Combarieu qui introduisit Morand aux Affaires étrangères (service du Protocole) en 1912.

Le jeune Paul apprend l'anglais très tôt et se rend à Londres à plusieurs reprises durant son adolescence (1902, 1903, 1904, 1908, 1909, 1913). Il visite aussi Venise et l'Italie du Nord et, chaque été, séjourne pendant un mois près du lac de Côme.

Il entre au collège Jules Ferry, puis au lycée Chaptal.

Il rate l'oral de philosophie de son baccalauréat, en 1905. Jean Giraudoux devient son précepteur et le jeune Paul se transforme tout d'un coup en élève assidu. Il intègre l'École libre des sciences politiques, puis termine premier au concours du Quai d'Orsay. Tout en débutant dans la carrière administrative, où il reçoit l'appui de Philippe Berthelot, il fréquente les milieux littéraires, fait la connaissance de Jean Cocteau et de Marcel Proust, et s'essaie à la poésie en composant une Ode à Marcel Proust.

Le diplomate écrivain

Attaché à l'ambassade de Londres, il rentre à Paris et est affecté au cabinet du ministre des Affaires étrangères pendant la 1ère guerre mondiale. Il est ensuite en poste à Rome et à Madrid. Son amitié avec Philippe Berthelot lui permet de faire des missions diplomatiques qui sont en fait à but littéraires. Après son mariage il se fait mettre en congé illimité mais réintègre la Carrière en 1939, il est nommé à Londres pour diriger la Mission économique française.

Ses premiers textes publiés sont des poèmes, notamment Lampes à Arc en 1919. Mais il fait sa véritable entrée en littérature en 1921 avec la parution de son premier ouvrage en prose, Tendres Stocks, un recueil de nouvelles préfacé par Proust.

Au cours des années 1920-30, il écrit de nombreux livres, récits de voyage, romans brefs et nouvelles (Ouvert la nuit, Lewis et Irène...), qui frappent par la sécheresse du style, le génie de la formule et la vivacité du récit, mais aussi par la fine description des pays traversés par l'auteur ou ses personnages, généralement de grands bourgeois cultivés aux idées larges.

Son écriture témoigne également d'une certaine vision du métissage : « En fait, si comme dit Emerson, la nature adore les mélanges, elle ne les adore pas tous, on ne saurait visiter une université ou un collège noirs aux États-Unis, contempler ces innombrables métis si appliqués et pourtant si studieux, ces visages d'Européens égarés sous d'affreuses tignasses laineuses, ces négresses blondes ou rousses, ces âmes brûlées par des désirs contradictoires, ces corps dont toutes les proportions ont été bousculées, violées dans le combat des deux hérédités, sans ressentir cette pitié angoissée, mêlée de répulsion qu'inspirent les anomalies humaines... » (Citation extraite dHiver Caraïbe, 1926).

Durant la même période, il pratique le journalisme, notamment pour Le Figaro. Il exerce aussi le métier d'éditeur en dirigeant chez Gallimard la collection « Renaissance de la nouvelle », où paraissent en 1938 les Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar, et est également membre du Comité de direction de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont.

Le {{date}}, à Paris, il épouse la riche Roumaine d'origine grecque Hélène Chrissoveloni (1879-1975), princesse Soutzo (1879-1975), dont le frère Jean (+ 1926), banquier fort cultivé et polyglotte, avait acquis trois ans plus tôt, avec son épouse Sybille, le château des Mesnuls (Yvelines), où le couple très mondain donna des fêtes fastueuses.

L'ambassadeur de Vichy

Portrait du chef de la mission française en Angleterre de guerre économique en 1939 par Élisabeth de Miribel : « Paul Morand me plaît. Il est souple, insaisissable. Il ne s'impose jamais, mais s'insinue. Il reste toujours, avec lui, quelque chose d'inexprimé. Il pense plus loin que ne le laisse supposer son extraordinaire facilité. Il ne se livre, ni se commande. Il plane : inchangé et fluide au-dessus de la marée humaine. Son raisonnement est formé d'intuitions brillantes qu'il ne cherche pas à prouver. Il sait s'entourer sans appartenir à personne. Il réussit auprès des Anglais par persuasion, par standing social plutôt que par des démarches officielles... ».

Un des faits marquants de la vie de Morand est son attitude durant la Seconde Guerre mondiale et sa proximité avec le régime de Vichy.

Après avoir été mis à la retraite d'office en 1940, il est nommé, lors du retour de Pierre Laval au gouvernement en 1942, ambassadeur de France en Roumanie, pays d'origine de la famille de son épouse.

Jean Jardin, éminence grise de Pierre Laval, favorise son départ de Bucarest en 1944, lors de l'avancée des troupes russes, et le fait nommer en Suisse.

Lorsque la guerre se termine, il est ambassadeur à Berne, ce qui lui vaut d'être révoqué à la Libération par le général de Gaulle; son attitude durant l'Occupation lui vaudra longtemps une solide inimitié de ce dernier qui, après son retour au pouvoir en 1958, empêchera jusqu'en 1968 son entrée à l'Académie française. À cause de cela, Morand l'appellera toujours avec mépris « Gaulle », notamment dans sa correspondance avec son ami Jacques Chardonne.

L'exilé et le protecteur des hussards

Après la Guerre, il est contraint à l'exil à Vevey en Suisse. Il y passe une dizaine d'années, au grand dam d'autres écrivains en exil, avant d'être à nouveau admis sur le sol français. On continue néanmoins de lui reprocher ses amitiés du temps de Vichy et le soutien de l'Occupant à la publication de ses ouvrages, tandis que lui-même proteste de son innocence.

Au sujet de son exil forcé, il écrira plus tard : {{Citation}} (Chronique de l'homme maigre)

Durant ces années, il se consacre à la poursuite de son œuvre, marquée par des orientations nouvelles et, notamment, par un intérêt nouveau pour l'Histoire, ainsi qu'en témoignent Le Flagellant de Séville et Fouquet ou le Soleil offusqué.

Il devient à la même époque, avec Jacques Chardonne, le modèle et le protecteur d'une nouvelle génération d'écrivains qu'on appellera par la suite les Hussards. Il entretient une relation quasi filiale avec le premier d'entre eux, Roger Nimier.

L'académicien

Il est élu à l'Académie française le 24 septembre 1968 au fauteuil {{nº}} de Maurice Garçon, élu en 1946. Mais le chef de l'État, contrairement à la tradition, ne le recevra pas, après avoir pourtant levé son veto de manière implicite en déclarant au Secrétaire Perpétuel : {{Citation}} Pauline Dreyfus a tiré un roman de la campagne qui précéda cette élection, Immortel, enfin (2012).

Morand survit un an et demi à son épouse, décédée le 27 février 1975, et meurt à l'hôpital Laennec à Paris; conformément aux dispositions de son testament, ses cendres seront mêlées à celles de son épouse à Trieste, ville dont elle était originaire.

Il avait annoncé ses intentions dans Venises : {{Citation}} (Venises, Gallimard, 1971, {{p.}} et 215).

Bernard Beyern fera de la crémation de Morand le récit suivant : {{Citation}}.

Roger Nimier avait écrit au sujet de Morand : {{Citation}}

Morand eut de la peintre et décoratrice bordelaise Madeleine Mulle une fille, Marie-Claude Morand, née à Bordeaux le {{Date}}, qui fut élevée au sein du mariage postérieur de sa mère avec le photographe Louis-Victor Emmanuel Sougez, dans l'œuvre duquel elle apparut fréquemment sous le nom de Claude.

Témoignages

Sur le choix de la Collaboration par Morand, le regard de Charles de Gaulle est ainsi rapporté par Alain Peyrefitte : {{Citation}} (Charles de Gaulle, 20 mai 1962, C'était de Gaulle, Fayard, tome I, 1994, {{p.}}.)

À propos de la position qu'eut envers lui Charles de Gaulle : {{Citation}} (André Ribaud, La Cour, Julliard, 1961, {{p.}})

Un amateur d'art asiatique

Maurice Rheims, qui fut son ami depuis 1959, évoque dans ses entretiens avec François Duret-Robert (En tous mes états, Gallimard, 1993, {{p.}}), cet {{citation}} qui fut son mentor pour entrer à l'Académie, {{citation}} (auprès de Guitton, Ionesco, Druon, etc.), et son épouse, {{citation}}.

Désigné comme son exécuteur testamentaire, le commissaire-priseur fut chargé des modalités du legs de leurs biens à l'Académie et acquit ce « trône asiate » lors de la vente aux enchères publiques de la succession des 16 et 17 novembre 1977 au Palais d'Orsay à Paris, qui comprenait un grand portrait en pied d'Hélène Morand au pastel par Lucien Lévy-Dhurmer et les nombreux tableaux, meubles et objets d'art en majeure partie d'Extrême-Orient, qui ornaient l'hôtel particulier de l'avenue Charles-Floquet à Paris (construit pour son beau-père le prince Soutzo par Pierre Humbert) et la maison des Hayes, vers Rambouillet.

Un jeune mondain tenté par l'homosexualité ?

Dans ses Propos Secrets (Albin Michel, 1980, tome 2, {{p.}} et 364), Roger Peyrefitte mentionne Morand à propos du « scandale Fersen » (pédophilie ?) impliquant plusieurs de ses jeunes condiciples du lycée Carnot à Paris ; il publie la lettre (non datée) que celui-ci lui adressa à la suite de la publication de l'Exilé de Capri — que Morand renomma Uranus 1900 — qui lui avait rappelé certains épisodes de son enfance

Il indique que c'est chez Marcel Schwob que son père connut Oscar Wilde - qui lui conseilla de l'envoyer à Oxford - évoque le collège des Maristes de la rue de Monceaux, les artistes Madeleine Lemaire et Louis Morin, se souvient avoir fréquenté jeune « le Thé de Ceylan » sans savoir que c'était alors un mauvais lieu fréquenté par les « minets » Frétillé, Trouillon et Chicoulan - à qui il trouve une « figure d'hyène maçonnique » - puis en 1912-13 d'y être retourné danser le tango, de Colette — une « gousse » — danser en caleçon de panthère au Jardin de Paris en 1908 ou 1909, de promenades l'été sur les Champs-Élysées avec Giraudoux « encore adolescent et furonculeux, un mouchoir entre son cou et son haut col empesé. »

Peyrefitte évoque également l'hôtel appartenant à sa richissime épouse, qui, n'en occupant que le rez-de-chaussée, en avait loué les étages — son petit-fils et héritier auto-désigné Charles-Albert de Broglie en occupant une chambre — lors d'une réception donnée par Alberto Pinto, Elsa Martinelli et leur ami commun Anthony Tannoury, quelques années après la mort du couple Morand (hiver 1979 ?) : {{Citation}} Le magazine Maison et Jardin a publié un reportage sur cet intérieur à cette époque.

Le legs tardif d'un amateur de vin à un autre.

Dans sa biographie d'Antoine Blondin, Yvan Audouard raconte comment la dernière missive de Morand à Kléber Haedens, écrite quelques jours avant sa mort, l'informant qu'il lui léguait sa cave, parvint avec le camion transportant celle-ci au moment même où le cercueil de Haedens quittait sa maison de Labourdette, en Haute-Garonne… (Monsieur Jadis est de retour, La Table Ronde, 1994, {{p.}} et 70).

Le lys dans la vallée
LivresDisponible
Publication
[Paris] : Gallimard, 2004
Date de publication
2004
Lettres de Paris
LivresDisponible
Publication
Paris : Arléa, impr. 2008
Date de publication
2008