Vega, Lope de (1562-1635)
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Biographie
Jeunesse
Félix Lope de Vega y Carpio est issu d’une famille humble originaire de Valle de Carriedo (Santander). Il est le fils de Félix de Vega, brodeur, et de Francisca Fernández Flórez. Si nous ne savons rien de sa mère, en revanche nous savons que son père s’installe à Madrid en 1561, après un bref séjour à Valladolid. Lope de Vega affirmera par la suite que son père est venu à Madrid pour suivre une conquête amoureuse que sa future mère fera rompre : Lope sera le fruit de la réconciliation de ses parents et devra son existence à la jalousie qu’il saura si bien décrire dans son œuvre dramatique.
Enfant précoce, il sait lire le latin et le castillan dès l’âge de cinq ans. C’est à cet âge qu’il compose ses premiers vers. Il révèle lui-même que c’est à douze ans qu’il écrit des comedias (Yo las componía de once y doce años / de a cuatro actos y de a cuatro pliegos / porque cada acto un pliego contenía). Son talent lui ouvre les portes de l’école madrilène du poète et musicien Vicente Espinel qu’il citera toujours avec vénération, comme dans ce sonnet : « Aquesta pluma, célèbre maestro / que me pusisteis en las manos, cuando / los primeros caracteres firmando / estaba, temeroso y poco diestro... » Il continue sa formation à la Compagnie de Jésus qui deviendra plus tard le Colegio Imperial (1574).
Il poursuit ensuite des études à l’université d’Alcalá de Henares pendant quatre ans (1577-1581) mais n’obtient aucun diplôme. Sa vie amoureuse dissolue l’éloigne du sacerdoce et le prive des bourses d’études de ses protecteurs. Il vit d'expédients, gagne sa vie comme secrétaire de secrétaire d’aristocrates, gagne un peu d'argent en écrivant des comedias et piezas de circunstancias.
En 1583, il s’engage dans la marine et livre bataille contre les Portugais à l’Isla Terceira, sous les ordres de son futur ami, Álvaro de Bazán, marquis de Santa Cruz de Mudela.
L’exil
Étudiant alors la grammaire aux Teatinos et les mathématiques à lAcademia Real, il sert de secrétaire au marquis de las Navas, mais il est distrait de toutes ses activités par ses nombreuses relations amoureuses.
De son premier grand amour naît… l’exil. Elena Osorio (la "Filis" de ses vers), femme mariée à l’acteur Cristobal Calderón, et fille du metteur en scène Jerónimo Velázquez, devient son premier grand amour. Séparée de son premier mari, elle se remarie (obligée par son père, qui forcera la rupture avec Lope) au noble Francisco Perrenot. Lope, par vengeance, insulte la famille de ce dernier via des libelles. Il dénonce la situation dans sa comedia Belardo furioso et dans une série de sonnets. Il est alors traduit en justice et la sentence est sévère : cinq ans d’interdiction de séjour à Madrid et deux ans d’exil du royaume de Castille, le tout sous peine de mort.
Lope se souviendra de cet amour dans son roman La Dorotea. Mais il est déjà de nouveau amoureux d’Isabel de Alderete y Urbina (il usa de l'anagramme "Belisa" dans ses vers), avec qui il se marie en 1588 après l’avoir enlevée (le mariage l'ayant sauvé d'un nouveau procès). Cette même année, Lope s’engage dans l’Invincible Armada sur le galion San Juan.
Après la débâcle de l’Invincible Armada, au naufrage de laquelle il survit miraculeusement, Lope revient à Valence en décembre 1588 avec Isabel de Urbina. Le théâtre est alors en pleine effervescence, Lope perfectionne sa mise en scène, assiste à de nombreuses représentations dont celles de l’Academia de los nocturnos (Théâtre local). Il y remarque le refus de l’unité d’action, l’imbroglio italien.
En 1590, Lope s'installe de nouveau à Tolède et se met au service de don Francisco de Ribera Barroso et du duc d'Alba, don Antonio de Toledo y Beamonte, en s’introduisant comme gentilhomme de chambre à la cour ducale d’Alba de Tormes, où il vécut de 1592 à 1595. Il y découvre le théâtre de Juan del Encina, et en reprendra le personnage du gracioso (valet bouffon) en perfectionnant son aspect dramatique.
Isabel de Urbina meurt en 1594. C’est à ce moment qu’il écrit son roman pastoral La Arcadia.
Le retour en Castille
Statue de Lope de Vega à l'entrée de la bibliothèque nationale d'Espagne (marbre blanc, Manel Fuxá Leal, 1892).
En 1595, passés les huit années d’exil, Lope revient à Madrid. L’année suivante, il subit un nouveau procès pour cause de concubinage avec l’actrice Antonia Trillo. En 1598, il se marie avec Juana de Guardo, fille d’un riche commerçant de viande de la cour, ce qui lui attire l’ironie et la moquerie de plusieurs des grands esprits de l’époque (dont Luis de Góngora). Juana était apparemment vulgaire, au sang douteux, et le mariage semblait plus dicté par l’argent que par l’amour. Lope eut pourtant avec Juana son fils préféré, Carlos Félix, ainsi que trois filles.
Il vit jusqu’en 1603 à Séville en tant que secrétaire du futur comte de Lemos, et entretient une relation sérieuse avec Micaela de Luján à qui il dédie nombre de ses vers. Femme mariée, actrice, il eut cinq enfants avec elle, dont ses préférés, Marcela et Lope Félix. C’est une des relations amoureuses importantes de Lope, et il semble que cette dernière se termine en 1608. Vivant entre plusieurs foyers familiaux et un grand nombre de maîtresses – beaucoup d’actrices, comme le démontre le procès de concubinage de 1596 - Lope se voit dans l’obligation d’assurer un train de vie onéreux et de soutenir plusieurs relations et enfants légitimes ou non. Il y arrive grâce à un travail acharné, écrivant sans relâche poésies et comedias, parfois imprimées sans relecture. Ce n’est qu’à trente-huit ans que Lope peut enfin corriger et éditer une partie de son œuvre. En tant qu’écrivain professionnel, il demande l’obtention de droits d’auteur sur ceux qui imprimaient ses comedias sans sa permission et, à défaut, le droit de correction de ses propres œuvres.
En 1605 Lope entre au service de Luis Fernandez de Cordoba y de Aragon, duc de Sessa. Leur amitié dure jusque la mort de Lope de Vega.
En 1609, Lope présente son Arte nuevo de hacer comedias, œuvre théorique capitale. Il entre à la confrérie desclavos del Santísimo Sacramento à laquelle appartenaient alors les grands écrivains, dont Francisco de Quevedo, ami personnel de Lope, et Cervantes, avec qui il a entretenu des relations tendues suite aux allusions contre lui que donne Don Quichotte.
En 1612, la mort de son fils préféré, puis celle de sa femme Juana, l'année suivante, marquent un tournant dans sa vie.
Sacerdoce
Lope de Vega (portrait 1605).
Le {{date}}, Lope de Vega est ordonné prêtre. Sa vie désordonnée, ses amours coupables et la mort de ses proches ont sans doute provoqué une crise existentielle chez lui, qui se traduit par une inspiration plus spirituelle et religieuse. C’est à ce moment qu’il écrit les Rimas sacras et de nombreuses œuvres pieuses, et ses vers se teintent d’inspirations philosophiques.
Luis de Góngora provoque alors une révolution esthétique dans ses Soledades. Même si l’on sent chez Lope une nouvelle évolution dans l’écriture de ses vers, il tient à se distancier de cette « nouvelle esthétique » culturaniste et s’en moque même dès qu’il en a l'occasion. Ce à quoi Góngora réagit de son côté, notamment en écrivant des satires.
Lope doit essuyer d’autres critiques qui portent sur le non-respect des trois règles d’unité. Pedro Torres Rámila, auteur d’une Spongia en 1617, dénigre non seulement le théâtre de Lope de Vega, mais aussi toute son œuvre narrative, épique et lyrique. Ce à quoi ont répondu plusieurs amis humanistes du Phénix, Lopez de Aguilar à leur tête, dans un texte de 1618 « Expostulatio Spongiae a Petro Hurriano Ramila nuper evulgatae. Pro Lupo a Vega Carpio, Poetarum Hispaniae Principe », et qui contient leurs éloges, pour les plus connus, Tomás Tamayo de Vargas, Vicente Mariner, Luis Tribaldos de Toledo, Pedro de Padilla, Juan Luis de la Cerda, Hortensio Félix Paravicino, Bartolomé Jiménez Patón, Francisco de Quevedo, le Comte de Salinas, et Vicente Espinel.
C’est donc critiqué et attaqué, mais encouragé par le texte qui le défend, que Lope continue de s’essayer dans le genre épique (La Filomena, 1621 – La Andrómeda, 1621 – La Circe, 1624 – La rosa blanca, 1624 – La corona trágica, 1627, sur la vie et la mort de Marie Stuart).
La fin de sa vie
Madrid, maison (et musée) de Lope de Vega de 1610 jusqu'à sa mort en 1635.
Même si sa vocation est sincère, Lope ne peut maîtriser son tempérament sensuel et poursuit une vie amoureuse sans trouver le bonheur familial.
Il tombe amoureux d’une belle jeune femme, Marta de Nevares, un scandale à l’époque vue sa condition d'ecclésiastique. Cette relation est pourtant sérieuse jusqu'à la mort de Marta et a été source de rebondissements et de frustrations, à l'image de ses comedias. Lope cultive la poésie comique et philosophique en se dédoublant en Tomé de Burguillos, hétéronyme burlesque, et médite sereinement sur la vieillesse et sa jeunesse désordonnée.
Il reçoit les honneurs du roi puis, en 1624, Urbain VIII lui confère le titre de docteur en théologie, mais Lope devient de plus en plus seul. Tous ses parents et sa famille meurent (Marta devient aveugle en 1626 et meurt en 1628 – Lope Félix se noie en 1634 – Antonia Clara, fille naturelle préférée, secrétaire et confidente, est séquestrée par un hidalgo, etc.), ne lui restant qu’une seule fille, Marcela, religieuse, qui sera la seule à lui survivre. Malgré les tourments de sa vie personnelle, Lope compose des œuvres de genre très différents et qui sont à compter au nombre des plus belles réussites littéraires de l'époque : les comedias El castigo sin venganza (1631), La mayor virtud de un rey (1631), en prose: La Dorotea et surtout les œuvres lyriques Rimas humanas y divinas qui incluent La Gatomaquia (1631).
Lope de Vega meurt le {{Date}}. Le peuple de Madrid lui fait de véritables funérailles nationales. Plus de deux cents auteurs écrivent ses éloges publiées à Madrid et à Venise. Son talent immense comme sa réputation sont à l’origine d’une expression à l’époque : « Es de Lope », « c’est de Lope », utilisée pour indiquer que quelque chose était excellent. Cervantes, malgré son antipathie pour Lope, l’appelle alors « le monstre de la nature ».