Roa Bastos, Augusto (1917-2005)
Biographie
Augusto Roa Bastos passe son enfance à Iturbe, un petit village bilingue isolé, à soixante kilomètres de la capitale, où son père, ex séminariste, fut ouvrier puis employé administratif d'une raffinerie de canne-à-sucre. Ensuite, dès l'âge de 15 ans, il participe à la guerre du Chaco (1932-1935) entre le Paraguay et la Bolivie en tant qu'infirmier volontaire. Il est encore lycéen à l'époque et il ne finira jamais d'ailleurs ses études secondaires...
Cela ne l'empêche pas d'écrire une pièce de théâtre La carcajada, avec sa mère, dès l'âge de 15 ans, qu'ils représentent de façon itinérante dans cette région du Guairá, et les fonds récoltés servent à soutenir les veuves et les blessés de guerre. Ensuite, en cette même année fatidique pour son pays, de 1932, il écrit, seul, un conte extraordinaire, Lucha hasta el alba, qui contient en germes une grande partie de son œuvre future.
Après la guerre, il devient journaliste de El País et il commence à écrire et à publier des poèmes et des contes. Il convient de signaler parmi ceux-ci : El trueno entre las hojas, de 1953, qui sera adapté au cinéma en Argentine, par Armando Bó, en 1956. Mais, en 1947, les façades du grand quotidien national sont mitraillées par les partisans du Partido Colorado et Moríñígo prend le pouvoir, après une sanglante guerre civile contre les liberales. Il doit alors s'exiler en Argentine, où il vit jusqu'à ce qu'une autre dictature l'en expulse en 1976.
Il s'adapte à Buenos Aires de façon incroyable, son ascension sociale et intellectuelle est fulgurante, alors qu'il part du plus bas de l'échelle. Il aurait travaillé au début de son séjour comme employé de maison de rencontres : amueblada en espagnol d'Argentine ; il aurait guidé les couples illégitimes dans leurs chambres respectives, en portant quelques serviettes et autres savons et onguents. Puis, il est pendant longtemps l'employé anonyme d'une grande compagnie d'assurances mais il fréquente déjà les plus grands intellectuels de la ville, ou du moins, ceux qui le deviendront, tel le tucumano Tomás Eloy Martínez. ils se réunissent avec d'autres, au bar La Fragata près du journal La Nación et échangent là leurs premiers scénarios de cinéma et leurs premiers livres.
Il publie, en 1960, chez Losada à Buenos-Aires, son premier ouvrage d'envergure : Hijo de hombre, un recueil de huit contes puis dix (lors de la refonte de 1982), en lien entre eux, une espèce de roman non-né, dans lequel on voit déjà apparaître dans toute leur puissance les grands mythes fondateurs de l'écriture roabastienne : le guarani, le bilinguisme, le métissage, la dualité ; l'écriture versus l'oralité, la lecto-écriture ; la transtextualité ; l'histoire paraguayenne revisitée et la lutte par le Verbe contre la Dictature ; la poétique des variations, la poétique de l'absence, etc.
Il aurait commencé à cette époque à écrire le roman qui allait le rendre célèbre dans le monde entier et qui lui vaut en 1989 de recevoir le Prix Cervantès. Il s'agit de Yo el supremo (1974), un monologue intérieur du Dictateur et Père Fondateur du Paraguay, José Gaspar Rodríguez de Francia (1814-1840).
Mais le triomphe est de courte durée, deux ans plus tard, ce sont les dictateurs argentins qui s'en mêlent, Roa est à nouveau contraint à l'exil. A l'Université de Toulouse, Jean Andreu et son équipe le reçoivent. Il devient alors professeur de guarani et de littérature latino-américaine et par la force des choses un {{citation}}, tel qu'il aimait à se qualifier lui-même, avec son habituelle modestie, teintée d'auto dérision, et, bien entendu, faisant office de clin d'œil ironique, envers ses nombreux détracteurs.
À la chute d'Alfredo Stroessner, en 1989, il revient s'installer au Paraguay, et alors plus libre d'écrire, la veine créatrice le reprend. Il écrit alors des œuvres importantes telles que El Fiscal, en 1993, et surtout, l'année suivante, Contravida.
Il meurt en son domicile d'Asunción, le 26 avril 2005, après un malaise et une mauvaise chute sur la tête dans un escalier. Il convient de remarquer que celle-ci survient à la même date que la mort de Cervantès et de Shakespeare, dont il admirait l'œuvre, sans oublier le premier écrivain métis, Garcilaso Inca de La Vega, le 23 avril 1616.