Van Gogh, Vincent (1853-1890)
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Biographie
Famille
alt=Photomontage de la famille de Vincent van Gogh
La famille Van Gogh, d'ancienne bourgeoisie, est déjà notable aux {{s2-}}. L'état de pasteur est une tradition familiale, de même que le commerce de l'art. Le grand-père de Vincent (1789-1874) a, par exemple, suivi des cours à la faculté de théologie à l'université de Leyde jusqu'en 1811. Trois de ses fils sont devenus des marchands d'art.
Vincent Willem Van Gogh naît le 30 mars 1853 à Groot-Zundert, un village près de Bréda dans l'Ouest du Brabant-Septentrional, dans le Sud des Pays-Bas. Sa mère avait mis au monde un enfant mort-né le 30 mars 1852 : Vincent Willem I, dont il portera le prénom. Il est le fils aîné de Theodorus van Gogh, pasteur de l'Église réformée à Groot-Zundert depuis 1849 et d'Anna Cornelia, née Carbentus, fille d'un relieur de la cour du Duché de Brabant. Ses parents élèveront six enfants : Vincent, Anna Cornelia (1855-1930), Théodore (« Theo »), Elisabetha Huberta (« Liss », 1859-1936), Willemina Jacoba (« Wil » ou « Wilkie », 1862-1941) et Cornelis Vincent (« Cor », 1867-1900).
Son père Theodorus compte dix frères et sœurs. Plusieurs oncles paternels joueront un rôle déterminant dans la vie de Vincent. Hendrik Vincent van Gogh, « Hein », est marchand d'art à Bruxelles. Johannes van Gogh, « Jan », est un amiral néerlandais chez qui Vincent habitera à Amsterdam pendant plus d'un an. Cornelis Marinus van Gogh, « Cor », est également marchand d'art. Son parrain Vincent van Gogh, « Cent », s'est associé à la chaîne de galeries de l'éditeur d'art parisien Goupil & {{Cie}}.
Jeunesse
1853–1869
alt=Vincent van Gogh à l'âge de 13 ans La famille de Van Gogh mène une vie simple. L'ambiance laborieuse du foyer parental marque profondément le jeune Vincent qui est un enfant sérieux, silencieux et pensif.
En 1860, Van Gogh entre à l'école de Zundert dont l'effectif est de deux cents élèves. À partir de 1861, lui et sa sœur Anna suivent les enseignements d'une institutrice qui donne des cours à la maison jusqu'au {{1er}} octobre 1864, date à laquelle il part pour l'internat de Jan Provily à Zevenbergen, une ville rattachée à la commune de Moerdijk à trente kilomètres de chez lui. Il y apprend le français, l'anglais et l'allemand. Il y réalise aussi ses premiers essais de dessin. Le 15 septembre 1866, il entre au collège Guillaume II à Tilburg. Van Gogh vit difficilement cet éloignement. En mars 1868, il quitte précipitamment l'établissement et retourne chez ses parents à Zundert.
1869-1878
{{multiple image}} Le 30 juillet 1869, à l'âge de 16 ans, Van Gogh quitte la maison familiale et devient apprenti chez Goupil & {{Cie}} à La Haye, filiale fondée par son oncle Hein. Cette firme internationale vend des tableaux, des dessins et des reproductions. Elle est alors dirigée par Hermanus Tersteeg pour qui l'artiste avait un grand respect. En 1871, son père est muté à Helvoirt. Vincent y passe ses vacances en 1872, avant de rendre visite à Theo, à Bruxelles.
Après sa formation en apprentissage, il est engagé chez Goupil & {{Cie}}. En juin 1873, Adolphe Goupil l'envoie dans la succursale de Londres avec l'accord de son oncle Cent. Selon la future femme de Theo, Johanna Bonger dite « Jo », c'est la période la plus heureuse de sa vie. Il réussit et, à 20 ans, il gagne plus que son père. Il tombe amoureux d'Eugénie Loyer, la fille de sa logeuse à Brixton, mais lorsqu'il lui révèle ses sentiments, elle lui avoue qu'elle s'est déjà secrètement fiancée avec le locataire précédent. Van Gogh s'isole de plus en plus. À la même époque, il développe un fervent intérêt pour la religion. Son zèle religieux prend des proportions qui inquiètent sa famille. Le 12 novembre 1873, Theo est muté à la succursale de La Haye par son oncle Cent.
Son père et son oncle envoient Vincent à Paris à la mi-mai 1875 au siège principal de Goupil & {{Cie}} au 9 rue Chaptal. Il est choqué de voir l'art traité comme un produit et une marchandise, et le dénonce à certains clients, ce qui provoque son licenciement le {{1er}} avril 1876{{,}}. Entre-temps, la famille Van Gogh déménage à Etten, village du Brabant-Septentrional.
Van Gogh se sent alors une vocation spirituelle et religieuse. Il retourne en Angleterre où, pendant quelque temps, il travaille bénévolement, d'abord comme professeur suppléant dans un petit internat donnant sur le port de Ramsgate, où il est engagé. Il dessine quelques croquis de la ville. À son frère Theo, il écrit{{,}} : {{citation}} Comme l'école doit par la suite déménager à Isleworth dans le Middlesex, Van Gogh décide de s'y rendre. Mais le déménagement n'a finalement pas lieu. Il reste sur place, devient un fervent animateur méthodiste et veut {{citation}}. À la fin d'octobre 1876, il prononce son premier sermon à la Wesleyan Methodist Church à Richmond. En novembre, il est engagé comme assistant à la Congregational Church de Turnham Green.
À Noël 1876, il retourne chez ses parents. Sa famille l'incite alors à travailler dans une librairie de Dordrecht aux Pays-Bas pendant quelques mois. Toutefois, il n'y est pas heureux. Il passe la majeure partie de son temps dans l'arrière-boutique du magasin à dessiner ou à traduire des passages de la Bible en anglais, en français et en allemand. Ses lettres comportent de plus en plus de textes religieux. Son compagnon de chambre de l'époque, un jeune professeur appelé Görlitz, expliquera plus tard que Van Gogh se nourrit avec parcimonie : {{citation}}
Le soutenant dans son désir de devenir pasteur, sa famille l'envoie en mai 1877 à Amsterdam, où il séjourne chez son oncle Jan, qui est amiral. Vincent se prépare pour l'université et étudie la théologie avec son oncle Johannes Stricker, théologien respecté. Il échoue à ses examens. Il quitte alors le domicile de son oncle Jan, en juillet 1878, pour retourner à la maison familiale à Etten. Il suit des cours pendant trois mois à l'école protestante de Laeken, près de Bruxelles, mais il échoue à nouveau et abandonne ses études pour devenir prédicateur laïc. Début décembre 1878, il obtient une mission d'évangéliste en Belgique, auprès des mineurs de charbon du Borinage, dans la région de Mons. Il y devient un prédicateur solidaire des luttes contre le patronat mais il a déjà fait son apprentissage pictural en ayant visité tous les grands musées des villes importantes qu'il a traversées quand il travaillait chez Goupil & {{Cie}}.
1879-1880
Vincent van Gogh - 1878 1879 - Wasmes - Maison du boulanger Denis - Angle Rue du petit-Wasmes et Rue Wilson Maison dans laquelle a séjourné Vincent van Gogh à Cuesmes, Belgique en 1878. {{voir}} Sa traversée du Borinage en Belgique commence à Pâturages (aujourd'hui dans la commune de Colfontaine) en 1878. Il y est accueilli par un évangéliste qui l'installe chez un cultivateur à Wasmes. Très vite, il juge cette maison trop luxueuse et, en août, il part pour Cuesmes pour loger chez un autre évangéliste. Allant au bout de ses convictions, Van Gogh décide de vivre comme ceux auprès desquels il prêche, partageant leurs difficultés jusqu'à dormir sur la paille dans une petite hutte. Il consacre tout aux mineurs et à leur famille. Il va même jusqu'à descendre dans un puits de mine du Charbonnage de Marcasse, à {{unité}} de profondeur. Lors d'un coup de grisou, il sauve un mineur. Mais ses activités de pasteur ouvrier ne tardent pas à être désapprouvées, ce qui le choque. Accusé d'être un meneur, il est contraint d'abandonner la mission — suspendue par le comité d'évangélisation — qu'il s'était donnée. Il en garde l'image de la misère humaine qui apparaîtra dans une partie de son œuvre. Après ces évènements, il se rend à Bruxelles puis revient brièvement à Cuesmes, où il s'installe dans une maison. Mais, sous la pression de ses parents, il retourne à Etten. Il y reste désœuvré, jusqu'en mars 1880, ce qui préoccupe de plus en plus sa famille. Vincent et Theo se disputent au sujet de son avenir : ces tensions les privent de communication pendant près d'un an.
De plus, un grave conflit éclate entre Vincent et son père, ce dernier allant jusqu'à se renseigner pour faire admettre son fils à l'asile de Geel. Il s'enfuit de nouveau et se réfugie à Cuesmes, où il loge jusqu'en octobre 1880 chez un mineur. Entre-temps, Theo obtient un emploi stable chez Goupil & {{Cie}} à Paris.
Maturité
Déplacements de Van Gogh. À chaque numéro sur la carte correspond une des photographies ci-contre. <gallery perrow="6" > Maison natale de Vincent Van Gogh.jpg|1 - Groot-Zundert, Pays-Bas le 30 mars 1853 (naissance) BRUXELLES Maison du Roi.jpg|2 - Bruxelles, Belgique d'octobre 1880 à avril 1881 Etten-leur 007.jpg|3 - Etten, Pays-Bas d'avril 1881 à décembre 1881 Vincent Willem van Gogh 016.jpg|4 - La Haye, Pays-Bas de décembre 1881 à septembre 1883 Van Gogh Huis - Nieuw-Amsterdam.JPG|5 - Drenthe, Pays-Bas de septembre 1883 à décembre 1883 Nuenen-Berg-Gedenksteen-Van-Gogh.jpg|6 - Nuenen, Pays-Bas de décembre 1883 à novembre 1885 VanGogh-Houses Seen from the Back.jpg|7 - Anvers, Belgique de novembre 1885 à février 1886 Paris rue lepic 54.jpg|8 - Paris de février 1886 à février 1888 2252.Maler Vincent van Gogh-Gedenkstein im -Jardin(Garten) de Ete-Arles-.JPG|9 - Arles, France de février 1888 à mai 1889 Gogh Saint-Paul-de Mausole.jpg|10 - Saint-Rémy-de-Provence, France de mai 1889 à mai 1890 Vincent et Théo van Gogh, tombes à Auvers-sur-Oise .jpg|11 - Auvers-sur-Oise, France de mai 1890 au 29 juillet 1890 (décès) </gallery>
Van Gogh atteint sa maturité au moment où il débute sa carrière d'artiste. Il s'intéresse de plus en plus à ses proches et aux scènes quotidiennes qu'il commence à représenter dans des croquis à la mine de plomb, au fusain ou au crayon. En octobre 1880, il part à Bruxelles et, le 15 novembre 1880, il s'inscrit à l'Académie royale des beaux-arts sur les conseils du peintre Willem Roelofs. Il a l'opportunité de travailler à l'atelier du peintre Anthon van Rappard, rue Traversière. Le {{1er}} février 1881, Theo est nommé gérant de la succursale de Goupil & {{Cie}} sur le boulevard Montmartre ; il décide alors de subvenir aux besoins de son frère. Vincent est presque âgé de {{unité}}.
Fin avril 1881, Van Gogh revient à la maison familiale et y reste jusqu'à Noël. Il consacre principalement son temps à la lecture et aux études des figures. L'été, il tombe amoureux de Kee Vos, la fille de son oncle Stricker. Malgré le refus clair de Kee, veuve toute récente, Vincent insiste, créant une atmosphère de plus en plus tendue dans sa famille.
La Haye
Sorrow, 1882, mine de plomb, lavis, {{unité}} par {{unité}}, collection privée, F929/JH129. À la suite d'une violente dispute avec son père, il part pour La Haye, où il s'installe dans un modeste atelier. Il y reçoit des leçons de peinture de son cousin par alliance Anton Mauve, pratique alors essentiellement l’aquarelle et étudie la perspective.
En janvier 1881, Van Gogh rencontre une ancienne prostituée, Sien Hoornik, qui commence à poser pour lui. Au printemps 1882, son oncle Cornelis Marinus, propriétaire d'une galerie d'art renommée à Amsterdam, lui commande des dessins de La Haye. Le travail ne s'avère pas à la hauteur des espérances de son oncle, qui lui passe néanmoins une deuxième commande. Bien qu'il lui ait décrit en détail ce qu'il attendait de lui, il est de nouveau déçu. En juin 1882, une hospitalisation liée à une maladie vénérienne lui permet de se réconcilier avec ses parents. À sa sortie, il s'installe dans un plus grand atelier avec Sien Hoornik et ses deux enfants. C'est au cours de l'été 1882 qu'il commence la peinture à l'huile. Cette période de sa vie lui permet de se consacrer à son art. Il partage ses réflexions sur des peintres qu'il admire comme Daumier ou Jean-François Millet dont il connaît bien les œuvres{{,}}. Il exécute de nombreux tableaux et dessins selon différentes techniques. Il envoie ses œuvres à Theo et écrit à Anthon van Rappard. À partir du printemps 1883, il s'intéresse à des compositions plus élaborées, basées sur le dessin. Très peu de ces dessins ont survécu car, manquant de nervosité et de fraîcheur selon Theo, ils seront détruits par Vincent.
Les vingt mois qu'il passe à La Haye (entre 1882 et 1883) semblent décisifs pour l’artiste, qui réalise sa volonté de rompre avec les conventions morales de son milieu social, et son impossibilité à mener une existence normale. De nombreuses lectures, Honoré de Balzac, Victor Hugo, Émile Zola ou encore Charles Dickens, viennent enrichir sa vision du monde, et renforcent ses convictions sociales. En août 1883, il envisage de partir dans la province campagnarde de la Drenthe pour profiter de ses paysages. Sa relation avec Sien Hoornik se termine alors.
Drenthe
De septembre à décembre 1883, Vincent séjourne en solitaire dans la province de Drenthe, dans le Nord des Pays-Bas, où il s'acharne à sa peinture. C'est l'unique remède qu'il trouve face à un profond sentiment de détresse. Il change assez souvent de logement et la solitude lui pèse. Le temps pluvieux et les difficultés financières de son frère Theo le décident à rejoindre sa famille installée depuis juin 1882 à Nuenen, en Brabant-Septentrional, dans le presbytère paternel.
Nuenen
Le Vieux Clocher de Nuenen (« Le Cimetière paysan »), 1885, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, musée Van Gogh - Fondation Vincent van Gogh, Amsterdam, F84/JH772. Van Gogh profite d'un petit atelier aménagé à son intention dans la maison familiale. Il y réalise des séries de tableaux sur différents thèmes, notamment les tisserands. C'est à Nuenen que son talent se révèle définitivement : de cette époque datent de puissantes études à la pierre noire de paysans au travail, mais aussi quelque deux cents tableaux à la palette sombre et aux coups de brosse expressifs, qui confirment alors son talent de dessinateur et de peintre.
Étude pour Les Mangeurs de pommes de terre, 1885, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, musée Van Gogh - Fondation Vincent van Gogh, Amsterdam, F77r/JH686. Vincent propose à Theo de ne plus lui verser de pension mais plutôt d'échanger ses versements contre ses tableaux. Theo acquiert ainsi des tableaux qu'il espère vendre. Vincent continue à voir Van Rappard avec qui il peint. À cette période, il donne aussi des cours de peinture à des amateurs. Puis, en mai 1884, il loue un atelier plus vaste que ce qu'il avait jusqu'alors.
Portrait de paysan, 1885, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, BruxellesPour la troisième fois, Van Gogh tombe amoureux. Il entame une relation avec sa voisine Margot Begemann, ce que leurs familles respectives n'apprécient pas. À la mi-septembre, Margot tente de se suicider. Elle passe sa période de convalescence à Utrecht. Le 26 mars 1885, le père Van Gogh meurt d'une crise cardiaque. À cause des relations difficiles qu'il entretient avec son entourage, la sœur de Vincent lui demande de quitter le presbytère. Il habite alors dans son atelier entre avril et mai 1885.
Alors qu'il est encore à Nuenen, il travaille sur une série de peintures qui doivent décorer la salle à manger d'un de ses amis vivant à Eindhoven. Van Gogh s'intéresse alors aux artistes renommés de l'école de La Haye, comme Théophile de Bock et Herman Johannes van der Weele. Il s'agit d'un groupe d'artistes qui, entre 1860 et 1890, sont fortement influencés par la peinture réaliste de l'école de Barbizon. Parmi ces artistes, Johan Hendrik Weissenbruch ou Bernard Blommers par exemple, sont cités dans les lettres de Van Gogh lors de ses discussions sur l'art{{,}}. Il n'hésite pas non plus à faire des remarques sur Rembrandt et Frans Hals en discutant de leurs œuvres.
À la même époque, Émile Zola est critique d'art. En 1885, au moment où paraît son roman Germinal, Van Gogh peint Les Mangeurs de pommes de terre. Ils exposent tous les deux la vie de la classe populaire. Après son passage à Nuenen, passant de ce réalisme sombre au colorisme, Van Gogh prend un nouvel élan dans sa peinture. Sa palette devient plus claire et plus colorée, alors que ses coups de pinceaux deviennent plus nets.
Anvers
À Anvers de nouveau, en novembre 1885, il est impressionné par les peintures de Rubens et découvre les estampes japonaises, qu'il commence à collectionner dans cette ville. C'est aussi dans la capitale flamande que l'artiste inaugure sa fameuse série d'autoportraits. Il prend divers cours de dessin et réalise des études de nus. L'idée de repartir à Paris lui est agréable. Il compte déjà étudier dans l'atelier de Fernand Cormon et se loger chez Theo pour des questions d'économie. En février 1886, il débarque donc à Paris.
Paris
Asnières]], 1887, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, Musée d'Orsay, Paris, F313/JH1251. Au début du mois de mars 1886, Vincent rejoint son frère Theo à Montmartre avec l'envie de s'informer sur les nouveautés de la peinture impressionniste. À l'époque, Theo est gérant de la galerie montmartroise Boussod, Valadon & {{Cie}} (les successeurs de Goupil & {{Cie}}){{,}}. Vincent y devient également l'amant d'Agostina Segatori, tenancière italienne du cabaret Le Tambourin, boulevard de Clichy. Seule la connaissance du milieu artistique parisien peut véritablement permettre à Van Gogh de renouveler et d'enrichir sa vision. Cette année-là est celle de la dernière exposition impressionniste que Vincent découvre, et en 1887 doit avoir lieu la première rétrospective de l’œuvre de Millet.
Paris se prépare alors à accueillir plusieurs expositions : en plus du Salon, où sont exposées les œuvres de Puvis de Chavannes, Van Gogh visite les salles de la cinquième exposition internationale à la galerie Georges Petit, qui présente des toiles d'Auguste Renoir et de Claude Monet. Ces derniers n'avaient pas souhaité participer à la huitième et dernière exposition des impressionnistes qui offrait le spectacle d'un groupe déchiré, entre les défections et les nouvelles arrivées, et ouvrait ses portes à la nouveauté du moment, le néo-impressionnisme, avec la toile de Georges Pierre Seurat, Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte.
À Paris dans les années 1886 - 1887, Van Gogh fréquente un moment l’Académie du peintre Cormon, où il fait la connaissance de Henri de Toulouse-Lautrec, de Louis Anquetin, d’Émile Bernard ainsi que de John Peter Russell. Ce dernier réalise son portrait. Il rencontre également, par l’intermédiaire de son frère, presque tous les impressionnistes, en particulier Georges Seurat et Camille Pissarro, ainsi que Paul Gauguin. Dans la boutique du père Tanguy, il devient l'ami de Paul Signac. Sous l’influence des estampes japonaises, ses compositions acquièrent peu à peu davantage de liberté et d’aisance, tandis qu’il s’essaie à la technique de l’aplat coloré. Pissarro l’initie également aux théories nouvelles sur la lumière et au traitement divisionniste des tons. La palette de l'artiste s’enrichit alors de couleurs vives et sa touche s’anime et se fragmente, ceci grâce également à Signac avec qui il travaille en 1887.
Exalté par la ferveur du climat artistique parisien, Van Gogh brûle les étapes de son renouvellement artistique grâce à la fréquentation des peintres les plus anticonformistes du moment : il s'essaye au néo-impressionnisme auprès de Signac et Pissarro, enquête sur les profondeurs psychologiques du portrait avec son ami Toulouse-Lautrec, est précocement informé de la synthèse du cloisonnisme par ses compagnons Louis Anquetin et Émile Bernard, et peut apprécier les toiles exotiques réalisées par Gauguin en Martinique. Régénéré par cette modernité, il est prêt à réaliser son rêve méditerranéen, à la recherche de la lumière aveuglante de la Provence, qui fait resplendir les couleurs pures de la nature, étudiées jusque-là dans sa collection d'estampes japonaises. C'est une période très fertile où son art s'oriente vers l'impressionnisme mais l'absinthe et la fatigue aggravent son état mental. Le 19 février 1888, il quitte Paris.
Arles
La Maison jaune]] (« La Rue »), 1888, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, Yale University Art Gallery, New Haven, F464/JH1589. La Chambre à coucher]], 1888, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, musée Van Gogh - Fondation Vincent van Gogh, Amsterdam, F482/JH1608.
Le 20 février 1888, il s'installe à Arles dans la vieille ville à l'intérieur des remparts à l'hôtel-restaurant Carrel au 30 rue de la Cavalerie, à l'époque quartier des maisons closes, avec comme compagnon le peintre danois Christian Mourier-Petersen. Il loue également une partie de la « maison jaune » pour en faire son atelier. Quelques jours après, il loge au café de la Gare, 30 place Lamartine{{,}} et s'installe ensuite, à partir du 17 septembre, dans la Maison Jaune, juste à côté, détruite lors du bombardement allié d'Arles du 25 juin 1944.
Paysage enneigé, 1888, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, collection privée, Londres, F391/JH1358. Moissons en Provence, juin 1888, environs d'Arles, huile sur toile, 50 x {{unité}}, Musée d'Israël, Jérusalem, F558/JH1481. L'hôpital (appelé alors « Hôtel-Dieu » et aujourd'hui « Espace van Gogh ») où fut admis Vincent van Gogh à la fin de 1888. Iris]], 1889, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, J. Paul Getty Museum, Los Angeles, F608/JH1691. Lilas du jardin de l'hôpital]], mai 1889, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg National Gallery]], Londres, F454/JH1562.
Bien qu'il arrive dans la cité avec un temps de neige, une nouvelle page de son œuvre s'ouvre avec la découverte de la lumière provençale. Dès le 22 février 1888, il débute sa production arlésienne : il parcourt à pied la région et peint des paysages, des scènes de moissons et des portraits. Il envoie toujours ses tableaux à Theo. Trois de ses premiers tableaux sont présentés à la {{4e}} exposition annuelle de la Société des artistes indépendants. En avril, Vincent rencontre le peintre américain Dodge MacKnight, qui habite Fontvieille, un petit village au nord-est d'Arles. Par MacKnight, il fait la connaissance du peintre Eugene Boch avec lequel une relation plus profonde se développe et dont il fait le portrait.
Au début du mois de juin 1888, ayant reçu un billet de {{unité}} de son frère Theo, il se rend en diligence aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour un séjour de cinq jours. Il y peint la barque Amitié et le village regroupé autour de l'église fortifiée.
À Arles, des idées plus anciennes sur l'art et la peinture réapparaissent, comme faire des séries de tableaux. Au printemps 1888, il réalise ainsi une série sur les vergers fleurissants dans des triptyques, ainsi qu'une série de portraits comme ceux de la famille Roulin. La première série des tournesols date aussi de cette époque. Entre-temps, il continue à échanger des lettres et des tableaux avec Émile Bernard et Paul Gauguin. Vincent qui habite la maison jaune, rêve en effet d'une communauté d'artistes unissant fraternellement leurs expériences et leurs recherches : Paul Gauguin vient le rejoindre dans ce but le 23 octobre 1888 et ils commencent à travailler ensemble, par exemple sur la série de tableaux consacrés aux Alyscamps. Mais les deux hommes s'entendent mal : la tension et l’exaltation permanentes qu’implique leur démarche créatrice débouchent sur une crise.
Le 23 décembre 1888, à la suite d'une dispute plus violente que les autres avec Gauguin, Van Gogh est retrouvé dans son lit le lobe de l'oreille gauche tranché. Plusieurs théories tentent d'expliquer l'incident. La thèse classique, soutenue par le musée Van Gogh d'Amsterdam d'après le témoignage de Gauguin{{,}}, explique que Van Gogh menace d'un rasoir Gauguin qui s'enfuit, laissant Van Gogh seul. Dans un accès de délire, celui-ci retourne le rasoir contre lui-même et se coupe l'oreille avant d'aller l'offrir à une prostituée. Différents diagnostics possibles expliquent cet accès de folie (voir ci-dessous). Une théorie concernant la mutilation de l'oreille de Van Gogh a été publiée en 2009. Ses auteurs Hans Kaufmann et Rita Wildegans soutiennent que ce serait Gauguin qui, au cours d'une violente dispute, aurait tranché au sabre l'oreille de Vincent avant de s'enfuir d'Arles. La version de l'automutilation aurait pour but de l'innocenter.
Le lendemain de sa crise, Van Gogh est admis à l'hôpital et soigné par le docteur Rey dont il peint le portrait. Theo, inquiet de la santé de son frère, vient le voir et retourne à Paris le jour de Noël accompagné de Gauguin. Cependant, une pétition signée par trente personnes demande l'internement ou l'expulsion de Vincent van Gogh d'Arles : il lui est reproché des troubles à l'ordre public. Le 7 février, le docteur Delon demande son internement pour {{citation}}. Le 27 février, le commissaire de police d'Ornano conclut dans son rapport que Van Gogh pourrait devenir dangereux pour la sécurité publique. En mars 1889, après une période de répit, il peint entre autres Autoportrait à l'oreille bandée. Cependant, à la suite de nouvelles crises, il est interné d'office sur ordre du maire à l'hôpital d'Arles. À la mi-avril, il loue un appartement au docteur Rey dans un autre quartier d'Arles. Le 18 avril 1889, Theo et Johanna Bonger se marient à Amsterdam.
Pendant son séjour à Arles, Vincent maintient le lien avec l'univers artistique parisien grâce à l'abondante correspondance qu'il échange avec son frère Theo. Malgré l'échec de son projet d'établir un atelier à Arles, il ne renonce pas au dialogue avec ses amis Émile Bernard et Gauguin. Ce dernier, après son séjour mouvementé à Arles, accompagne à travers ses lettres la vie de Van Gogh jusqu'à la fin.
Saint-Rémy-de-Provence
Saint-Paul-de-Mausole]]. Le 8 mai 1889, il quitte Arles, ayant décidé d'entrer dans l'asile d'aliénés Saint-Paul-de-Mausole que dirige le médecin Théophile Peyron à Saint-Rémy-de-Provence. Il y reste un an, au cours duquel il a trois crises importantes : à la mi-juillet, en décembre et la dernière entre février et mars 1890.
La Nuit étoilée, 1889, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, Museum of Modern Art, New York, F612/JH1731. Malgré son mauvais état de santé, Van Gogh est très productif. Ce n'est que pendant ses crises de démence qu'il ne peint pas. Dans l'asile, une pièce au rez-de-chaussée lui est laissée en guise d'atelier. Il continue à envoyer ses tableaux à Theo. Deux de ses œuvres font partie de la {{5e}} exposition annuelle de la Société des artistes indépendants de Paris. Un des premiers tableaux de cette époque est l’Iris. Les peintures de cette période sont souvent caractérisées par des remous et des spirales. À diverses périodes de sa vie, Van Gogh a également peint ce qu'il voyait de sa fenêtre, notamment à la fin de sa vie avec une grande série de peintures de champs de blé qu'il pouvait admirer de la chambre qu'il occupait à l'asile de Saint-Rémy-de-Provence. Il quitte l'asile le 19 mai 1890.
Theo rencontre le docteur Paul Gachet sur les recommandations de Pissarro. Theo encourage Vincent à sortir de l'asile et à se rendre à Auvers-sur-Oise, où il pourra consulter le médecin et être près de son frère.
Van Gogh commence également à devenir connu. En janvier 1890, un article d’Albert Aurier dans le Mercure de France souligne pour la première fois l’importance de ses recherches. Un mois plus tard, le peintre Anna Boch acquiert l’un de ses tableaux, La Vigne rouge pour la somme de {{unité}}.
Le 31 janvier 1890 naît le petit Vincent, fils de son frère Theo. Dans les mois précédents la venue au monde de ce neveu et dont Vincent est le parrain, il écrit à Theo sans jamais mentionner le nom de l'enfant, en le nommant {{Citation}}. Lorsque le nouveau-né tombe malade sans gravité, Vincent éprouve de la tristesse et du découragement.
Auvers-sur-Oise
Le Docteur Gachet]], 1890, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, collection privée, F753/JH2007. Après avoir rendu visite à Theo à Paris, Van Gogh s'installe à Auvers-sur-Oise, situé à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Paris. Cette commune rurale du Vexin français était déjà connue dans le milieu des peintres, initialement par les paysagistes de l'école de Barbizon puis par les impressionnistes. Il y passe les 70 derniers jours de sa vie, du 20 mai au 29 juillet 1890. Le docteur Paul Gachet a promis de prendre soin de lui à la demande de Theo. Gachet, ami de Paul Cézanne et des peintres impressionnistes et lui-même peintre amateur, veille sur Van Gogh, qui loue une petite chambre dans l’{{Lien}}.
Van Gogh, au sommet de sa maîtrise artistique, va alors décrire dans ses œuvres la vie paysanne et l'architecture de cette commune. Des articles paraissent dans la presse parisienne, bruxelloise et néerlandaise. C'est un signe important de sa reconnaissance dans ce milieu artistique. Grâce aux soins du docteur Gachet, son activité est intense : il peint plus de {{unité}}. D'autre part, Theo, dont la maladie perdure, lui confie son inquiétude pour son travail et pour le petit Vincent Willem, malade. Theo désire retourner aux Pays-Bas. {{clr}}
Mort de Vincent van Gogh
Tombes des deux frères van Gogh, recouvertes d'un simple lierre, à Auvers-sur-Oise L'instabilité mentale de Vincent van Gogh reprend vers la fin juillet 1890. Le 27 juillet 1890, dans un champ derrière le château où il peint peut-être une ultime toile, car il a emmené son matériel de peinture avec lui, il se tire un coup de revolver dans la poitrine (pour viser le cœur) ou l'abdomen. Revenu boitillant à l'auberge Ravoux, il monte directement dans sa chambre. Ses gémissements attirent l'attention de l'aubergiste Arthur Ravoux qui le découvre blessé : il fait venir le docteur Gachet qui lui fait un bandage sommaire (une opération chirurgicale est impossible vu l'état de la médecine à cette époque) et dépêche à Paris {{Lien}}, artiste néerlandais pensionnaire de son auberge, pour prévenir Théo van Gogh. Vincent van Gogh y meurt deux jours plus tard, à l'âge de {{unité}}, son frère Théo étant à son chevet.
Théo, atteint de syphilis et de ses complications neurologiques, est hospitalisé en octobre 1890 dans une clinique psychiatrique d'Utrecht où il meurt le 25 janvier 1891 à l'âge de {{unité}}. Les deux frères reposent tous deux au cimetière d'Auvers-sur-Oise, depuis que Johanna van Gogh-Bonger a fait transférer le corps de son premier mari auprès de son frère en 1914.
En 2011, une nouvelle hypothèse sur la mort de Vincent van Gogh a été avancée par deux auteurs, Steven Naifeh et Gregory White Smith, qui reprennent une anecdote douteuse de Victor Doiteau : Vincent van Gogh aurait été victime par accident d'une balle tirée par les frères Gaston et René Secrétan, deux adolescents qu'il connaissait, ces derniers jouaient « aux cowboys » avec une arme de mauvaise facture à proximité du champ où Van Gogh se promenait. Avant de succomber deux jours plus tard, le peintre aurait alors décidé d'endosser toute la responsabilité de l'acte en déclarant s'être visé lui-même, dans le but de protéger les garçons et par amour pour son frère Théo pour lequel il pensait être devenu un fardeau trop pesant. Cette thèse repose sur trois arguments : Vincent van Gogh aurait été le souffre-douleur des frères Secrétan (interview de René Secrétan, devenu banquier, donnée en 1956), l'historien d'art John Rewald a recueilli dans les années 1930 des rumeurs auversoises dans ce sens, mais ces témoignages sont tardifs et de seconde main; enfin René Secrétan, dont les auteurs américains prétendent que le peintre a réalisé un dessin déguisé en cowboy et qui a assisté au Buffalo Bill Wild West Show à Paris au début de l'année 1890, aurait volé le revolver de l'aubergiste Arthur Ravoux pour tirer sur des oiseaux et petits animaux, revolver à l'origine de l'homicide involontaire ou du tir accidentel sur Vincent van Gogh{{,}}{{,}}.
Problèmes de santé
Autoportrait à l'oreille bandée, 1889, huile sur toile, {{unité}} par {{unité}}, Institut Courtauld - The Samuel Courtauld Trust, Londres, F527/JH1657. À plusieurs reprises, Van Gogh souffre d'accès psychotiques et d'instabilité mentale, en particulier dans les dernières années de sa vie. Au fil des ans, il a beaucoup été question de l'origine de sa maladie mentale et de ses répercussions sur son travail. Plus de cent cinquante psychiatres ont tenté d'identifier sa maladie et quelque trente diagnostics différents ont été proposés.
Parmi les diagnostics avancés se trouvent la schizophrénie, le trouble bipolaire, la syphilis, le saturnisme, l'épilepsie du lobe temporal, la maladie de Menière et la porphyrie aiguë intermittente. Chacune de ces maladies pourrait être responsable de ses troubles et aurait été aggravée par la malnutrition, le surmenage, l'insomnie et un penchant pour l'alcool, en particulier pour l'absinthe.
Certaines théories médicales ont même laissé entendre que le goût de Van Gogh pour l'utilisation de la couleur jaune pourrait être lié à son amour de l'absinthe. En effet, cet alcool contient une neurotoxine, la thuyone, qui à forte dose, peut causer la xanthopsie, un trouble de la vision amenant à voir les objets en jaune. Toutefois, une étude réalisée en 1991 a mis en évidence qu'un consommateur d'absinthe sombrerait dans l'inconscience en raison de la teneur en alcool avant d'avoir pu ingérer suffisamment de thuyone. Une autre théorie suggère que le docteur Gachet aurait prescrit de la digitaline à Van Gogh pour traiter l'épilepsie, substance qui pourrait entraîner une vision teintée de jaune et des changements dans la perception de la couleur d'ensemble. Cependant, il n'existe aucune preuve directe que Van Gogh ait pris de la digitaline, même si Van Gogh a peint Portrait du Dr Gachet avec branche de digitale, plante à partir de laquelle est produite la digitaline.
En 2006, King Ross, un écrivain canadien, a prétendu que Van Gogh souffrait de saturnisme, car il utilisait des peintures à base de plomb et parce que l'un des symptômes de l'intoxication par le plomb est un gonflement de la rétine qui peut conduire à l'apparition d'un effet de halo, qui apparaît d'ailleurs dans plusieurs de ses tableaux.