Aubrac, Raymond (1914-2012)
Biographie
Formation et itinéraire jusqu'en 1940
Raymond Samuel est le fils de commerçants juifs aisés, propriétaires d'un magasin de confection à Vesoul et dirige les « grands magasins lyonnais » à Dijon{{,}}. Son père Albert est né à Vesoul le {{nobr}}, sa mère, Hélène Falk née, le {{nobr}}, à Crest, dans un milieu de petits commerçants, est plus intellectuelle. La pratique religieuse des deux parents est peu prononcée. Le père est plutôt conservateur alors que la mère est sensible aux idées progressistes. Raymond Aubrac entame sa vie scolaire dans les classes primaires du lycée Gérôme de Vesoul ; il reste jusqu'à l'âge de {{nobr}} dans cette ville. Le jeune Raymond passe ensuite son enfance et sa jeunesse dans une dizaine de villes de province, fréquente les Éclaireurs de France, laïques, mais aussi un cercle d'études juives.
Les études supérieures à Paris et Cambridge
Après le baccalauréat, il devient interne à Paris au lycée Saint-Louis, échoue au concours d'entrée de Polytechnique et entre à l'École nationale des ponts et chaussées en 1934 dont il sort diplômé en 1937, dans la même promotion que le prince laotien Souphanouvong, future figure de proue de l'aile gauche communiste de son pays et un des fondateurs du Pathet Lao, puis premier président de la République démocratique populaire du Laos. Pendant ces années étudiantes, Raymond fréquente lUniversité ouvrière, un cercle d'études marxistes où enseignent des intellectuels communistes comme Gabriel Péri ou Georges Cogniot mais, s'il reste proche du Parti communiste, il n'en devient pas adhérent. Comme la majorité des élèves de grandes écoles, il suit la « PMS » (préparation militaire supérieure) ce qui lui permet d'être officier pendant son service militaire. Auparavant, bénéficiaire d'une bourse d'études de l'American Field Service, il est parti aux États-Unis en août 1937 pour le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l'Université Harvard où il a l'occasion de suivre les cours de Joseph Schumpeter.
La guerre et la rencontre avec Lucie
Il fait son service militaire comme officier du génie sur la Ligne Maginot au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale. Il retrouve à Strasbourg Lucie Bernard qu'il a déjà rencontrée à Paris dans des réunions d'étudiants communistes et qu'il épouse le {{date}} à Dijon. Fait prisonnier par les Allemands le {{date}}, il s'évade avec l'aide de sa femme et tous deux gagnent la zone libre.
Les années durant la Résistance intérieure française
Le couple Samuel s'installe à Lyon où Raymond a des tantes maternelles. Raymond trouve un emploi d'ingénieur dans un cabinet de brevets et Lucie obtient un poste au lycée de jeunes filles Edgar-Quinet. En {{date}}, de passage à Clermont-Ferrand, Lucie retrouve Jean Cavaillès, professeur de philosophie et qui a été son collègue à Strasbourg. Celui-ci lui présente Emmanuel d'Astier de La Vigerie, journaliste, qui a créé deux mois plus tôt une organisation anti-nazie et anti-vichyste dénommée « La dernière Colonne ». Cette rencontre est décisive. Raymond et elle consacrent alors tout leur temps libre aux activités de cette organisation : diffusion de tracts, recrutement, sabotages… À partir du mois de mai 1941, après la naissance de Jean-Pierre, leurs fils ainé, ils aident Emmanuel d'Astier à concevoir un journal dont la parution du {{1er}} numéro, deux mois plus tard, marque la naissance du mouvement Libération.
Le mouvement Libération
Sous divers pseudonymes dont celui d'Aubrac, Lucie et Raymond contribuent à faire de Libération le mouvement de résistance le plus important en zone sud après le mouvement Combat fondé par Henri Frenay. Les époux Aubrac, puisqu'il convient désormais de les appeler ainsi, appartiennent au noyau central du mouvement {{Citation}}. C'est ainsi que Raymond a eu l'occasion de rencontrer tous les dirigeants de Libération-Sud, mais aussi Yves Farge de Franc-Tireur, Henri Frenay, de Combat ou des envoyés de Londres comme Yvon Morandat. Emmanuel d'Astier apprécie les talents d'organisateur de Raymond Aubrac et en été 1942, il lui confie la direction de la branche paramilitaire du mouvement qui vient d'être créé.
Au printemps 1941, Raymond avait été congédié du cabinet de brevets où il travaillait, le patron de celui-ci, André Armengaud ayant expliqué qu'avec le développement de ses affaires avec Berlin, il ne souhaitait pas laisser son bureau de Lyon sous la responsabilité d'un Juif. Raymond se met alors au service d'une entreprise de travaux publics.
Naissance de l'Armée Secrète
À partir de janvier 1942 et de l'arrivée en France de Jean Moulin, Libération-Sud se trouve impliqué dans la démarche d'unification des mouvements de résistance de la zone sud aux côtés de Combat et de Franc-Tireur. L'Armée secrète est le nom donné au regroupement des branches militaires des différents mouvements. Le commandement en est confié au général Charles Delestraint et Aubrac est intégré à la sorte d'état-major réuni autour de Delestraint. En {{date}}, la zone sud a été envahie par les Allemands, et les résistants sont pourchassés directement par la Gestapo dirigée à Lyon par Klaus Barbie, mais c'est par la police lyonnaise qu'Aubrac est arrêté le {{Date}}. Il obtient sa mise en liberté provisoire le 10 mai. Le 24 mai Lucie organise, avec la participation de son mari, l'évasion de l'hôpital de l'Antiquaille, de leurs compagnons Serge Ravanel, Maurice Kriegel-Valrimont et François Morin-Forestier{{,}}.
L'arrestation de Caluire
Le 21 juin, Raymond est à nouveau arrêté, cette fois-ci par la Gestapo, à Caluire, avec Jean Moulin et d'autres participants à cette réunion qui avait pour but de régler des conflits internes entre Jean Moulin et les mouvements de Résistance en zone Sud : le docteur Frédéric Dugoujon, leur hôte de la villa Castellane, Henri Aubry, du mouvement Combat, Bruno Larat, André Lassagne, de Libération-Sud, le colonel Albert Lacaze, du {{4e}} de l'Armée secrète et le colonel Émile Schwarzfeld, responsable du mouvement lyonnais France d'abord. René Hardy parvient à s'enfuir dans des conditions controversées qui le rendent suspect de trahison.
Évasion, clandestinité et départ pour l'Angleterre
Raymond Aubrac est emprisonné à la prison Montluc de Lyon. Il s'évade le {{date}} pendant son transfert de l'École de santé militaire à la prison grâce à une opération montée par Lucie Aubrac. Après cette évasion, Lucie enceinte, Raymond et leur fils Jean-Pierre entrent dans la clandestinité, de refuge en refuge. Ils parviendront à rejoindre Londres en février 1944. Auparavant, ils auront appris, en décembre 1943, que les parents de Raymond et son frère Paul ont été arrêtés comme Juifs, dirigés sur Drancy avant de périr, assassinés, à Auschwitz. Albert et Hélène Samuel sont déportés de la gare de Bobigny par le convoi n° 66 du 20 janvier 1944. Lucie accouche, le 12 février 1944, d'une fille, Catherine (Catherine Vallade).
Il ne semble pas que pendant ces années de Résistance, Aubrac se soit associé à des tentatives de noyautage communiste de la Résistance non communiste : sollicités en ce sens par Maurice Kriegel-Valrimont, qu'ils avaient par ailleurs en estime, Raymond et Lucie Aubrac n'ont pas donné suite.
Alger (février-août 1944)
Lucie Aubrac avait été désignée pour siéger à l'Assemblée consultative d'Alger comme représentante de Libération-Sud. Son accouchement l'oblige à rester à Londres, mais Emmanuel d'Astier qui est depuis novembre 1943 à Alger où il a été nommé commissaire à l'intérieur du Comité français de la libération nationale (CFLN) demande à Raymond de venir le rejoindre et c'est donc ce dernier qui siège à l'assemblée où, selon ses propres dires, il s'ennuie. Après avoir été reçu par de Gaulle en avril 1944, il est nommé directeur des affaires politiques au commissariat de l'Intérieur où son rôle aurait notamment été d'atténuer les tensions entre d'Astier et Passy, chef du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), le service de renseignements et d'action de la France libre. Au Conseil des ministres, la nomination d'Aubrac soulève les objections de Henri Frenay et de René Mayer qui déclarent {{Citation}}. De Gaulle avait clos le débat, mais Aubrac ayant eu vent de l'incident démissionne de l'Assemblée et s'engage dans les parachutistes avec son grade de sous-lieutenant. Convoqué quelques semaines plus tard par de Gaulle, Aubrac se voit proposer un certain nombre de postes mais refuse de sortir de l'alternative entre directeur des affaires politiques et parachutiste. Après le débarquement en Normandie, un compromis sera trouvé et Aubrac aurait dû être représentant du Gouvernement dans la zone libérée, au centre de la France, par l'opération aéroportée Caïman qui n'aura finalement pas lieu. Le {{date}}, alors que se prépare le débarquement de Provence, Aubrac est nommé commissaire régional de la République pour une zone qui correspond, approximativement, à la Provence et la Côte d'Azur.
Commissaire de la République à Marseille (fin 1944)
Après le débarquement de Provence, le {{date}}, Aubrac réside donc à Marseille jusqu'en janvier 1945 où il est remplacé par Paul Haag. Dans les mémoires qu'il publie en 1996, Raymond Aubrac met en avant les handicaps qui conditionnaient l'exercice de ses fonctions : son jeune âge, son impréparation pour exercer ses fonctions et son isolement : il n'avait guère eu le temps de choisir ses collaborateurs. Il souffre aussi de l'éloignement de sa femme Lucie au sujet de laquelle il écrit {{Citation}}. Lucie Aubrac a en effet pris sa place à l'Assemblée consultative de Paris, mais il semble qu'elle ait rejoint son mari à Marseille au bout de quelques semaines{{,}}. Aubrac met également en avant les questions qui l'ont le plus absorbé pendant son mandat : le ravitaillement, les forces de l'ordre, l'épuration, les réquisitions d'entreprises, le relèvement des salaires et les rapports avec les autorités alliées.
De Gaulle avait averti l'intéressé que le choix du commissaire de la République à Marseille avait été difficile : {{citation}}. Il aurait été question de nommer Gaston Monmousseau à ce poste, mais de Gaulle mesure au plus près les postes de l'appareil d'État qu'il convient d'accorder aux communistes. Le contexte de la période où Aubrac est en poste à Marseille est en effet un moment crucial des rapports entre de Gaulle et les communistes : la dissolution des milices patriotiques, dominées par les communistes, le 28 octobre 1944 est condamnée par le PCF. Mais le même jour, le Conseil des ministres donne un avis favorable au retour de Maurice Thorez qui condamnera les milices patriotiques quelques semaines plus tard. Emmanuel d'Astier de la Vigerie, considéré comme proche du PCF, est remplacé au commissariat à l'Intérieur par un socialiste, Adrien Tixier. C'est dans ce contexte politique qu'il faut apprécier le passage d'Aubrac à Marseille.
Aubrac qui, à l'époque n'est pas encore identifié comme proche des communistes s'acquittera de sa tâche en s'appuyant largement sur la CGT, très forte à Marseille et sur les communistes locaux, en particulier Jean Cristofol provoquant l'hostilité croissante de la part des socialistes locaux dont la figure de proue était déjà Gaston Defferre, nommé par Aubrac président de la délégation municipale, c'est-à-dire maire de la ville. La police que le commissaire régional trouve à son arrivée a été largement compromise avec le régime de Vichy. Pour que l'épuration soit menée par les forces de l'ordre plutôt que par les milices patriotiques, Aubrac institue le 23 août 1944 les Forces républicaines de sécurité (FRS), précurseurs des Compagnies républicaines de sécurité (CRS). Les FRS recrute essentiellement dans les rangs des Francs-tireurs et partisans et des milices patriotiques. Selon les mots de l'historien Philippe Buton, {{citation}} Les FRS assurent, malgré leurs faibles moyens, la sécurité de la région (correspondant approximativement à l'actuelle Provence-Alpes-Côte d'Azur), celle de Marseille particulièrement, et la protection de l'approvisionnement par le sud des armées de libération de la France. Le colonel Jean Garcin et le général Marcel Guillot, résistants, dirigeront l'action des FRS jusqu'à la mutation de ce corps de police en compagnies républicaines de sécurité, repris en mains par des cadres professionnels, notamment de l'ex-gendarmerie mobile républicaine.
À la Libération, surtout dans la zone sud, il se développe un mouvement de gestion ouvrière des entreprises souvent lié aux organisations ouvrières locales. À Marseille, l'animateur du mouvement est Lucien Molino, cadre communiste et secrétaire de l'Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône. Aubrac le reçoit dès son arrivée à Marseille, le 24 août. Entre le 10 septembre et le 5 octobre, il ordonne les réquisitions de quinze entreprises comprenant au total {{nombre}}. Pour Aubrac, c'est en consultant les responsables syndicaux qu'on peut choisir parmi les principaux ingénieurs de chaque entreprise celui qui réunit compétence, autorité et confiance du personnel. Les directeurs sont donc nommés après accord de la CGT, mais aussi, on institue des cours de syndicalisme, des permanents syndicaux et politiques sont rétribués par les entreprises. Cette affaire de réquisitions contribue à le faire passer pour proche des communistes aux yeux des socialistes de la région et sera l'un des éléments de son départ. Plus tard, dans ses mémoires, Aubrac explicitera ainsi la situation politique à Marseille : {{citation}}.
Sa fonction de commissaire de la République le place également à la tête de l'épuration. Il réclame ainsi l'arrestation de Jean Giono qui surviendra le 8 septembre 1944. Il signe également l'arrêté du 4 septembre 1944 qui précise les conditions de l'épuration déjà définies par l'ordonnance du 27 juin 1944 : {{citation}}
Le déminage et le ministère de la reconstruction (1944-1948)
De retour à Paris, Aubrac rencontre le ministre de la Reconstruction Raoul Dautry qui lui propose le poste de commissaire aux Travaux pour la Bretagne. Quelques semaines plus tard, il est nommé inspecteur général, responsable des opérations de déminage sur l'ensemble du pays. Au milieu de l'année 1945, les effectifs directement affectés au déminage se composent de {{nombre}} civils et {{nombre}} de guerre. Les pertes sont grandes : {{nombre}} et {{nombre}} parmi les Français et environ {{nombre}} et {{nombre}} parmi les Allemands. La question s'était posée de savoir si l'emploi de prisonniers de guerre était conforme aux conventions de Genève. Il ne l'était évidemment pas. L'argument qui emporta finalement l'adhésion du ministre Dautry était que les mêmes conventions de Genève n'autorisaient pas les armées à laisser derrière elles des mines qui tuaient des civils. Aubrac n'accepte pas la proposition de Dautry de le suivre au CEA qu'il avait pour mission de créer avec Frédéric Joliot-Curie. Il reste au ministère de la Reconstruction avec les ministres communistes François Billoux et Charles Tillon, jusqu'en 1948, où les communistes ayant quitté le gouvernement, le MRP Jean Letourneau prend la tête du ministère et nomme Aubrac inspecteur général. Le manque d'affinités avec le nouveau ministre pousse Aubrac à quitter la haute administration{{,}}.
BERIM (1948-1958)
En 1948, Aubrac, qui se définira à cette époque comme « compagnon de route » du Parti communiste quitte l'administration et le grade honorifique d'inspecteur général auquel il avait été promu et fonde un bureau d'études, BERIM (Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne) avec trois associés : Marc Weil, Marcel Mosnier et René Picard. Les quatre fondateurs sont communistes ou « communisants ». Dans les premières années, BERIM agit principalement dans les villes de la région parisienne à municipalité communiste et dans les communes sinistrées de Normandie, de Bretagne et des Vosges. Le bureau d'études participe à l'urbanisme en établissant des projets de réseaux – eaux, égouts, circulation – ou en intervenant auprès d'architectes investis dans les grands ensembles immobiliers.
Dès l'été 1948, BERIM développe ses activités dans les pays de l'Est de l'Europe, où Aubrac voyage beaucoup, mais c'est avec la Tchécoslovaquie qu'il aura l'activité professionnelle la plus intense. BERIM fait ainsi partie d'une nébuleuse d'entreprises de diverses natures : financière, bureau d'étude, export-import, proches du PCF et qui sont le point de passage obligé pour tout échange industriel ou commercial avec les pays de l'Est. Aubrac est ainsi en relation avec Jean Jérôme, responsable des finances occultes du PCF très investi dans les échanges commerciaux avec les Partis frères, Charles Hilsum, président de la Banque commerciale pour l'Europe du Nord. La plus grosse affaire qu'Aubrac doit traiter concerne une transaction compliquée à propos d'un laminoir impliquant, dans le contexte de la guerre froide, les États-Unis, la Tchécoslovaquie et l'Allemagne. Cette affaire s'étale de 1948 à 1952. L'un des interlocuteurs tchèques d'Aubrac est Artur London, arrêté en 1951 lors des Procès de Prague. Dans ses mémoires, Aubrac écrit que c'est en 1956, lorsqu'il a retrouvé London à sa sortie de prison, qu'il a découvert les horreurs de la police de Staline, ce qui marquera de façon déterminante ses réflexions politiques et ses choix de vie. La découverte des horreurs du stalinisme n'est pas contradictoire avec une image plutôt positive de ces {{citation}}.
À partir de 1953, toujours dans le cadre de BERIM, Aubrac établit des contacts avec la Chine. Il s'agissait à l'époque d'établir des relations commerciales entre la France et la Chine. En août 1955, il organise le voyage d'Edgar Faure dans ce pays. Le récit d'Artur London, le besoin de changement et une baisse de son intérêt pour BERIM – qui se spécialise de plus en plus dans les échanges commerciaux plutôt que dans les activités de bureau d'études –, tels sont les éléments poussant Aubrac à quitter le BERIM en 1958 pour devenir conseiller technique au Maroc.
Le Maroc et la FAO
En 1958, le Maroc est un pays ayant récemment accédé à l'indépendance. Le vice-président du Conseil du gouvernement de Ahmed Balafrej, Abderrahim Bouabid, propose à Aubrac de travailler en liaison avec le Gouvernement du Maroc. Aubrac accepte et s'installe au Maroc pour cinq ans. De fait, de 1958 à 1976, sa carrière professionnelle sera consacrée à ce qu'on appelait couramment les pays en voie de développement. Conseiller technique au Maroc, il s'occupe aussi bien de l'implantation de nouvelles industries que du développement de surfaces irriguées. {{Citation}}. Il se trouve donc à l'aise dans le milieu des ministres progressistes du jeune État et des conseillers français, souvent formés à l'ENA ou au commissariat au Plan. La grande affaire de son passage au Maroc est le développement de la culture de la betterave sucrière, une suggestion de René Dumont lors d'une visite effectuée en décembre 1959 et que l'ONI (Office national de l'irrigation), sous la présidence de Mohamed Tahiri, mis en place{{,}}.
À partir de 1964, Aubrac est en poste à Rome à la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, où, avec le titre de directeur, il s'occupe, entre autres choses de la mise en place de bases de données informatiques.
Hô Chi Minh et le Viêt Nam
À la fin de la Seconde Guerre mondiale et après l'écroulement du Japon qui avait occupé l'Indochine française, Hô Chi Minh proclame la création de la République démocratique du Viêt Nam dont il devient président en mars 1946. Au mois de juillet, il est en France pour tenter de négocier, la reconnaissance par la France de l'indépendance du Viêt Nam. Aubrac est invité par une association de travailleurs vietnamiens qu'il avait connue, lorsqu'il était commissaire de la République à Marseille, à la réception en l'honneur du dirigeant vietnamien au parc de Bagatelle. Aubrac et Hô Chi Minh sympathisent et finalement, Hô Chi Minh demande à séjourner dans la maison des Aubrac à Soisy-sous-Montmorency plutôt qu'à l'hôtel où il souffre de n'avoir pas de jardin. Dans ses mémoires, Aubrac concède que cette installation n'était probablement pas un pur hasard, et que l'appartenance du Vietnamien à la haute hiérarchie du mouvement communiste international impliquait sans doute que ce soit les camarades français qui avaient pu arranger la chose, Lucie et Raymond Aubrac, clairement influencés par les analyses du Parti communiste pouvant être considérés comme des sympathisants actifs. Pendant l'été 1946, Hô Chi Minh partage la vie de la famille Aubrac. Pendant ce séjour, Lucie Aubrac met au monde une fille, « Babette » (Élisabeth Helfer-Aubrac), et Hô Chi Minh, en visite à la maternité décide qu'il en sera le parrain, sans aucune référence religieuse, évidemment. Jusqu'à la fin de sa vie, quelles que soient les circonstances, l'oncle Hô fera parvenir à Babette un petit cadeau ou un souvenir à chacun de ses anniversaires. Jusqu'en 1952, Tran Ngoc Danh, représentant de Hô Chi Minh à Paris, rend souvent visite à la famille Aubrac.
Connu pour être l'ami d'Hô Chi Minh, Aubrac est sollicité à deux reprises pendant la guerre d'Indochine pour aller rencontrer le dirigeant révolutionnaire : Vincent Auriol, président de la République d'abord, et René Mayer, président du Conseil, ensuite. Il ne donne pas suite à ces demandes.
Au milieu de l'année 1967, alors que la guerre du Viêt Nam s'intensifie, Henry Kissinger, professeur de sciences politiques et alors simple consultant du gouvernement Johnson prend contact avec Pugwash, un groupe de scientifiques américains, soviétiques, britanniques et français, qui s'efforçait de réduire les menaces sur la sécurité mondiale, en vue d'établir des contacts avec le Nord-Viêt Nam en vue d'une possible négociation. Cette démarche de Kissinger aboutit au voyage secret à Hanoï d'Aubrac et d'Herbert Marcovitch, microbiologiste de l'Institut Pasteur. Le 24 juillet, Aubrac rencontre Hô Chi Minh qu'il trouve affaibli – il a 77 ans – et le lendemain, avec Marcovitch, ils ont une rencontre plus longue avec Pham Van Dông, ministre des Affaires étrangères. L'objet des discussions est l'arrêt des bombardements américains sur le Nord-Viêt Nam et les négociations qui pourraient en résulter. Jusqu'au mois d'octobre, Aubrac a de nombreux entretiens à Paris avec Kissinger et le représentant nord-vietnamien en France, Maï Van Bô, sans effet immédiat{{,}}, mais le 31 mars 1968, dans une intervention télévisée, en même temps qu'il annonce sa décision de ne pas se représenter aux élections présidentielles, Johnson annonce l'arrêt des bombardements, ce qui débouchera, le 3 mai sur un accord avec le Nord-Viêt Nam pour que des négociations s'ouvrent à Paris. En décembre 1968, alors que Richard Nixon s'apprête à prendre ses fonctions avec Kissinger comme conseiller, Aubrac rencontre à nouveau Kissinger à New York. Jusqu'en 1972, il le rencontrera plus d'une douzaine de fois. Dans la même période, il assure ainsi la liaison avec Maï Van Bô et les Vietnamiens de Paris. Ces contacts ont lieu parallèlement à la conférence officielle de Paris, avenue Kléber et d'autres contacts plus secrets. Pendant la même période, Aubrac est impliqué avec la FAO dans le « projet Mekong » dont l'objectif est de régulariser le cours du Mékong à partir de sa sortie du territoire chinois.
En 1972, alors que la conférence de Paris s'éternise et que Nixon intensifie les bombardements qui menace les digues du delta du Tonkin, le secrétaire général de l'ONU, Kurt Waldheim qui souhaite impliquer les Nations unies dans les négociations de Paris, fait appel, lui aussi, aux bons offices d'Aubrac. Devant l'inefficacité de Waldheim, Aubrac tente de faire intervenir le pape Paul VI. Le 4 juillet, il obtient une audience auprès du secrétaire d'État du Saint-Siège, {{Mgr}}. Le 9 juillet, de sa fenêtre de la place Saint-Pierre, Paul VI consacre son exhortation dominicale au Viêt Nam, il appelle à une solution {{Citation}} et insiste sur les clauses des accords de 1954 {{Citation}}. En même temps, le pape fait parvenir par le nonce apostolique de Paris des messages aux différentes délégations. Le matin même du 9 juillet, il avait reçu le secrétaire d'État américain William P. Rogers et il lui avait {{Citation}} des bombardements. De fait, les bombardements ne cessent pas, mais l'aviation américaine reçoit l'ordre d'épargner les digues. À la suite des accords de Paris, du {{date}}, qui prévoient un cessez-le-feu, Aubrac assiste Waldheim à la conférence internationale réunie pour prolonger les accords de Paris et mettre sur pied un programme de reconstruction. C'est dans le prolongement de cette conférence qu'il se trouve à Hanoï le {{date}}, jour où les blindés nord-vietnamiens rentrent dans Saïgon. Il raconte : {{Citation}}
Derniers engagements, prises de position et reconnaissances
En {{date}}, il participe à l'appel « Une autre voix juive », qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien, pour une paix juste et durable au Proche-Orient.
Il continue à participer à la vie citoyenne, prenant des positions tranchées comme lorsqu'il signe ainsi, à l'appel de plusieurs organisations dont l'Union juive française pour la paix (UJFP) dont il est adhérent, en {{date}}, un appel contre les frappes israéliennes au Liban, paru dans Libération et L'Humanité. Il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le {{date}}.
En octobre 2008, il devient un des premiers membres du comité de soutien des vétérans des essais nucléaires et participe à une marche vers Matignon pour remettre au Premier ministre {{unité}} en faveur de la reconnaissance et de l'indemnisation des vétérans des essais nucléaires.
Il a également signé l'appel collectif de résistants de la première heure à la commémoration du {{60e}} anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du {{date}}. Ce texte enjoint notamment {{Citation}}
Avec son épouse, il signe la préface du livre collectif L'Autre Campagne (La Découverte, 2007) faisant des propositions alternatives à celles des divers candidats aux élections présidentielles de 2007.
Le {{date}}, à l'occasion du rassemblement citoyen organisé par le collectif CRHA (Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui), il prononce un discours au plateau des Glières et accepte, aux côtés de Stéphane Hessel, de devenir parrain de l'association.
L’association Claude Guyot a été créée à Arnay-le-Duc (Côte d'Or) en août 2010. Raymond Aubrac, ancien élève de Claude Guyot à Dijon, en fut membre fondateur et président d'honneur.
Raymond Aubrac a été nommé citoyen d'honneur de la ville de Villeneuve-d'Ascq le 10 janvier 2012.
La République lui rend les Honneurs, le 16 avril 2012, au cours d’une cérémonie dans la cour de l’Hôtel des Invalides. En cette occasion, le juriste Jacques Vistel, fils du résistant Alban Vistel, président de la Fondation de la Résistance et Jean-Louis Crémieux-Brilhac, ancien Français Libre, prononcent des discours.
Il a été incinéré puis rejoint les cendres de son épouse Lucie, décédée en 2007, au cimetière de Salornay-sur-Guye (Saône-et-Loire) le 12 mai 2012.