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Saint-Simon, Louis de Rouvroy (1675-1755 ; duc de)

Contents


Biographie

Jeunesse

Chartres, musée des Beaux-arts]]) : {{Citation}}. Fils unique tard venu de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine, il est né dans la nuit du 15 au 16 janvier 1675 dans la Paroisse Saint Sulpice à Paris. Il est parrainé par le roi Louis XIV et la reine en la chapelle du château de Versailles et baptisé le 29 Juin 1677 par Monseigneur le Cardinal de Bouillon, Grand Aumônier de France. Titré dans sa jeunesse vidame de Chartres, Louis de Rouvroy reçoit de sa mère une éducation austère et soignée ; il est notamment élevé dans le culte de la mémoire de Louis le Juste. Il devient à cette époque ami du duc de Chartres, le futur Régent. Un autre personnage tient un grand rôle dans sa vie : Rancé, abbé de La Trappe, voisin percheron proche de son père, et qui joue pour Saint-Simon le rôle de mentor en matière de religion. Le jeune homme s’intéresse surtout à l’histoire et aime la lecture, en particulier celles de mémoires, qui lui donnent l’« envie d’écrire aussi [les mémoires] de ce qu’[il] verrai[t], dans le désir et l’espérance d’être de quelque chose, et de savoir le mieux qu’[il] pourrai[t] les affaires de [s]on temps. »

Il ne néglige pas pour autant les exercices physiques, équitation et escrime, et manifeste le désir de servir à l’armée. En 1691, alors qu’il a 16 ans, son père, déjà âgé (86 ans), qui s'est installé dans un modeste hôtel particulier de Versailles, intrigue à la Cour pour le faire entrer dans les mousquetaires gris. Il est présenté à Louis XIV par l'entremise du chirurgien du roi Maréchal, ami de Claude de Rouvroy ; le roi le {{Citation}}, mais accepte son entrée dans ce service. Il participe ainsi comme chef de bataillon en 1692 au siège de Namur puis en 1693 à la bataille de Neerwinden. Peu de temps après, Louis XIV lui donne la troisième compagnie de cavalerie du Royal-Roussillon.

La majorité

Débuts à la cour

En avril 1693, son père Claude de Rouvroy de Saint-Simon meurt, et il devient duc et pair à dix-huit ans. Peu de temps après, Louis achète le régiment Royal-Carabiniers, et devient mestre de camp. Ses responsabilités militaires passent pourtant au second plan face aux responsabilités de la pairie. Saint-Simon prend son nouveau rang très à cœur, et s’engage rapidement dans un grand procès contre le maréchal-duc de Luxembourg, qui veut faire modifier son rang parmi les pairs. Il s’indigne aussi du « rang intermédiaire » accordé aux bâtards de Louis XIV (le duc du Maine et le comte de Toulouse), qui les fait passer au-dessus des pairs immédiatement sous les princes du sang.

Il commence à écrire ses futurs Mémoires en juillet 1694 mais n'en fait la rédaction continue qu'à partir de 1739.

En 1695, il épouse Marie-Gabrielle de Durfort de Lorges, fille aînée du maréchal-duc de Lorges qui le commanda pendant les campagnes du Rhin et dont la mère, née Frémont, vient d’une famille roturière, mais fournit une dot importante. Le couple est très uni, et leur mariage, bien qu'arrangé comme le veut l’époque, particulièrement heureux. Le 8 septembre 1696 naît sa première fille, Charlotte. L’enfant est contrefaite, et restera toute sa vie à la charge de ses parents. Cette naissance est suivie de celles des deux fils de Saint-Simon, Jacques-Louis le 29 mai 1698 et Armand le 12 aoüt 1699. Ces enfants, encore plus petits que leur père, à tel point que l’on les surnomme les « bassets », sont une des grandes peines de Saint-Simon. Il semble que ses fils, aussi peu reluisants intellectuellement que physiquement, n’ont pas même hérité de son honnêteté. Saint-Simon, qui en était douloureusement conscient, n’évoque qu’à peine ses enfants dans ses Mémoires, lorsqu'il obtient pour eux le collier de la Toison d'or et la grandesse d'Espagne, et lorsque sa fille devient princesse de Chimay.

En 1697, il mène une expédition en Alsace sous le commandement du maréchal de Choiseul. C’est son dernier séjour aux armées : il supporte de plus en plus mal l’obligation qui lui est faite de passer deux mois par an avec son régiment. D'ailleurs, le sien est réformé. Il n’est plus que « mestre de camp à la suite », sous les ordres d’un simple gentilhomme.

En 1699, préoccupé par l’ampleur que prennent ses Mémoires dont son premier projet avait été condamné à ce qu’ils soient brûlés à sa mort, il consulte Rancé pour savoir quelle règle adopter. Ce dernier ne l’incite sans doute pas à continuer un journal, mais plutôt à collecter des documents sans donner libre cours à ses émotions sur le papier, signe d’orgueil envers Dieu. Il est alors possible qu’à partir de cette date Saint-Simon constitue des dossiers documentaires, complétés de notes personnelles. Ces dossiers auxquels il ajoute les anecdotes dont il se souvient sont la base des Mémoires rédigés quarante ans après.

Le 12 août naît son second fils Armand-Jean, qu’il titre marquis de Ruffec. En 1702, alors qu’il néglige son régiment pour la vie de Cour, Louis se voit dépassé pour une promotion par des officiers plus récents que lui dans leur grade. Parmi eux, le comte d’Ayen, futur duc de Noailles, qui est, sa vie durant, l’ennemi juré du duc (« Le serpent qui tenta Ève, qui renversa Adam par elle, et qui perdit le genre humain, est l’original dont le duc de Noailles est la copie la plus exacte et la plus fidèle », déclare ce dernier dans les Mémoires). Devant ce qu’il considère comme une injustice flagrante, Saint-Simon quitte l’armée prétextant des raisons de santé. Louis XIV lui tient longtemps rigueur de cette défection alors que Saint-Simon devient un courtisan assidu à Versailles.

À Versailles

En 1702, toujours, il obtient un appartement pour lui et sa femme au château de Versailles : c’est l’ancien appartement du maréchal de Lorges, dans l’aile nord. Il l’occupe jusqu’en 1709. Désormais, il est en plein cœur de la société de cour, qu’il observe et consigne avec passion dans ses Mémoires. En 1706, son nom est proposé pour le poste d'ambassadeur à Rome, en remplacement du cardinal de Janson. Mais au dernier moment, une promotion de cardinaux ayant été faite, Louis XIV décide d’envoyer plutôt le tout nouveau cardinal de La Trémoille.

En 1709, il perd son logement. Pontchartrain lui en prête un autre, situé au {{2e}} étage de l’aile droite des ministres, puis en 1710, Saint-Simon — ou plutôt son épouse, nommée dame d’honneur de la duchesse de Berry — obtient un grand appartement, attribué auparavant à la duchesse Sforza et à la duchesse d'Antin. Le nouvel appartement possède en outre des cuisines, ce qui permet à Saint-Simon de donner fréquemment soupers et dîners, et d’enrichir encore ses Mémoires.

1711 : Une mort qui délivre

En 1711, Monseigneur, fils de Louis XIV, meurt. Saint-Simon était partisan et ami de son fils, le duc de Bourgogne, désormais premier dans la ligne de succession. L'annonce de la mort du Grand Dauphin et le spectacle de son palais de Meudon, la nuit de sa mort, donnent une page célèbre des Mémoires. L'attitude psychologique de Saint-Simon, en cette occasion, est remarquablement profonde :

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1712 : Une mort qui brise tout espoir

Le soutien public apporté par Saint-Simon envers le duc de Bourgogne l'avait mis jusqu'alors dans une situation difficile. Saint-Simon espère désormais accéder au pouvoir par son intermédiaire. Il accumule les projets de gouvernement, rédige de nombreux mémoires à l'intention du nouveau Dauphin. Il obtient de lui des audiences privées, où ils abordent tous les sujets. Si l'on en croit Saint-Simon, le futur roi approuve ses vues en tout.

Saint-Simon rêve d’une monarchie moins absolue, mais sans pour autant se faire le chantre de l’égalitarisme : il veut redonner à la noblesse, strictement hiérarchisée, un rôle politique majeur voire hégémonique. Ses écrits, signés ou non, se diffusent à la cour, et il y devient une sorte de personnage.

La réflexion politique de Saint-Simon est fondée sur le rôle qu’il accorde au groupe des pairs de France auquel il appartient. Pour lui, ce groupe, expression la plus haute de la noblesse et donc de la société française, a le rôle et la fonction naturelle de conseiller du roi. Le système ministériel, ébauché dès le règne de Henri IV mais mis en place avec force sous Louis XIV, est chargé de tous les maux, puisque substituant au « gouvernement de conseil » du roi et de ses nobles, d’ailleurs largement fantasmé par Saint-Simon, un « gouvernement d’exécution » où le roi décide seul et fait exécuter ses ordres par des ministres et secrétaires d’État, « gens de peu », roturiers ou de fraîche noblesse.

Mais en 1712, le duc de Bourgogne meurt à son tour, en même temps que son épouse et leur fils aîné. Saint-Simon est brisé. À ce point des Mémoires, l'émotion lui fait seulement écrire : {{citation}}

Son désespoir lui inspire cependant un mouvement de révolte envers le Roi, dont le règne « pour soi tout seul » dure depuis si longtemps. Il se lance dans l’écriture d'une lettre anonyme d'une hauteur de vues si vertigineuse, et d'une puissance d'expression si forte et ininterrompue que la lecture en est édifiante. Il n'est pas certain que Louis XIV l'ait lue, mais la situation de Saint-Simon à Versailles devient précaire (lui-même parle de son « peu de sécurité » à la cour). Il n'intègre pas cette lettre dans les Mémoires.

Parallèlement, il continue à se quereller pour des questions de préséances et enrage contre les bâtards, le duc du Maine au premier chef, qui est admis dans la ligne de succession après l’édit de 1714 comprenant les bâtards parmi les « fils légitimés de France ».

La Régence

Le conseil de régence et l'ambassade d'Espagne

En septembre 1715, Louis XIV s’éteint. Le duc d’Orléans, ami d’enfance de Saint-Simon, devient régent. Pour Saint-Simon, c’est le moment de tenter d'imposer ses théories politiques. Membre du conseil de Régence, il est au sommet de l'État, et à l’origine du système de la polysynodie instituant, à la place des ministères, des conseils où domine l’aristocratie. À ses yeux, ce rôle est le seul digne d’un pair de France, conseiller né du roi mais non fonctionnaire, même de haut vol. Ainsi il refuse la présidence du conseil des Finances, qu’il confie même à un de ses ennemis jurés, le duc de Noailles.

En revanche, il obtient et accepte les honneurs les plus prestigieux de la cour : le justaucorps à brevet et les grandes entrées chez le roi. Il se fait également attribuer une croix de Saint-Louis, normalement réservée aux militaires, étape indispensable pour obtenir le cordon de l'ordre du Saint-Esprit. L’honnêteté de Saint-Simon l’empêche cependant de profiter de ce passage au pouvoir pour résoudre sa difficile situation financière.

Il répare son orgueil brisé en participant à l’éviction des bâtards de l'ordre de succession. Il fait retirer au duc du Maine la charge de l'éducation du roi, et le « réduit » au-dessous du rang de princes du sang qu'il avait acquis, lors du « lit de justice » du 26 août 1718.

Le Château de La Ferté-Vidame par Louis-Nicolas van Blarenberghe, ca.1750
(Museum of Fine Arts, Boston)

Peu apte aux manœuvres politiques, il est de plus en plus supplanté par le cardinal Dubois, ancien précepteur du Régent et futur premier ministre. Philippe d’Orléans lui conserve son amitié et lui prête même en 1719 le château de Meudon, honneur considérable, suivi de plusieurs propositions de postes que Saint-Simon refuse sous des prétextes divers. En 1721, il accepte l’ambassade extraordinaire en Espagne, pays qu’il admire beaucoup, dans le but de marier Louis XV à une infante d’Espagne, mais cet épisode doré qui le voit revenir grand d’Espagne est son chant du cygne : quand il en rentre en 1722, Dubois est nommé premier ministre. En 1723, la mort du Régent lui fait perdre tout accès au pouvoir et, en le privant de son dernier ami, l’éloigne définitivement de la Cour.

La retraite

Saint-Simon se retire alors dans son château de La Ferté-Vidame, où il mène une vie de gentilhomme campagnard, véritablement soucieux des conditions de vie de ses paysans, et tentant de moderniser leurs techniques. Il se fait même maître de forges. Il se consacre également à la rédaction de traités historico-généalogiques. Il lit le Journal de Dangeau et, à partir de 1739, il rassemble ses notes et s’attelle à la rédaction proprement dite de ses Mémoires dans lesquels il évoque pas moins de 7854 personnages. En 1749, alors qu'il vit entre son château de La Ferté-Vidame et son hôtel n°218 boulevard Saint-Germain à Paris, il achève leur rédaction, les faisant s’arrêter en 1723, à la mort du Régent. Il reçoit encore des visiteurs importants, dont le philosophe Montesquieu, qui trouve la conversation de l'ancien duc et pair « enchanteresse ».

La mort de son épouse probablement de la grippe, en 1743, lui fait interrompre pendant six mois la rédaction de ses Mémoires. Il fait redécorer son appartement en son honneur, son cabinet de travail tendu de noir, son lit de gris (couleur de cendres). Par testament, il ordonnera que leurs deux cercueils soient scellés dans le caveau familial. Les morts successives de ses fils (Jacques-Louis en 1746, et Armand en 1754) le désolent encore, le laissant désemparé, sans descendance. Il écrit encore, rédige des mémoires politiques et tient une correspondance admirable avec les membres du gouvernement et de la Cour. Épuisé, il meurt en 1755.

Mémoires
LivresDisponible
Publication
[Paris] : Flammarion, 20011015
Date de publication
2001