Berl, Emmanuel (1892-1976)
Biographie
Issu d'une famille de la haute bourgeoisie juive apparentée aux Bergson et aux Proust ainsi qu'à l'écrivain Monique Lange, il suit des études de philosophie avant de s'engager comme volontaire en 1914. Réformé en 1917 pour maladie respiratoire après avoir reçu la Croix de guerre, il fait la connaissance de Marcel Proust. Dans son roman Sylvia, Berl racontera plus tard sa querelle avec Proust au sujet du bonheur amoureux : lorsque Berl lui raconte qu'il vit une histoire d'amour heureuse, Proust lui répond que c'est impossible, que l'amour partagé n'existe pas, qu'il faudrait que Sylvia le fasse souffrir, ou soit morte, pour que Berl éprouve pleinement ce qu'est l'amour. Devant l'incompréhension de Berl, Proust finit par se fâcher, lance ses pantoufles à la figure de Berl et renvoie le jeune homme chez lui.
Berl fréquente les surréalistes, se lie avec Louis Aragon, Gaston Bergery et son ancien condisciple du lycée Carnot, Pierre Drieu la Rochelle.
En 1920, il épouse à Andrein Jacqueline Bordes, et, selon Dominique Desanti, ne cache pas qu'il s'est marié avec « une propriété catholique ». Fréquentant les maisons dites de tolérance, il tombe amoureux d'une prostituée, Suzanne Muzard, qui devient sa maîtresse et le trompe passagèrement avec André Breton. En 1926 il divorce d'avec Jacqueline Bordes. En 1927, il publie avec Drieu la Rochelle un périodique éphémère : Les Derniers Jours. En 1928, il épouse Suzanne Muzard, ce qui lui aurait valu la rancune de Breton et des surréalistes. Toujours en 1928, il participe, avec Édouard Berth, Marcel Déat, Bertrand de Jouvenel et Pierre Mendès France, à la rédaction des Cahiers bleus que vient de lancer Georges Valois. La même année, il rencontre André Malraux et lui dédie son ouvrage Mort de la pensée bourgeoise, pamphlet dans lequel il appelle à une culture et à une littérature plus engagées. Il s'irrite notamment du snobisme de l'homosexualité, qui, selon lui, prône une fausse libération :
{{Citation}}
Dans une lettre, Proust aurait proposé à Berl, pour l'aider à entrer dans le milieu littéraire, un « faux certificat d'inversion ».
Durant les années 1930 il entre en politique, aux côtés des radicaux. Après avoir travaillé à l'hebdomadaire Monde, il lance, en 1932, l'hebdomadaire Marianne, qui est, jusqu'à l'apparition de Vendredi en 1935, le principal hebdomadaire de gauche. Il y défend une ligne favorable au Front populaire mais son pacifisme intransigeant et son égal refus des totalitarismes fasciste et communiste l'incitent à adopter des positions hétérodoxes et à marquer sa curiosité, sinon toujours sa sympathie, pour le néo-socialisme. Il heurte la Gauche car il est d'avis de doter la France d'une grande et forte armée. {{citation}}, dit-il.
En 1937 (année où il divorce d'avec Suzanne Muzard et se marie avec la chanteuse Mireille), les éditions Gallimard vendent Marianne. Berl quitte alors le journal et fonde en 1938 un nouvel hebdomadaire : Pavés de Paris. Il approuve les accords de Munich, estimant que la situation militaire de la France à ce moment rend une entrée en guerre trop hasardeuse et que, d'autre part, les Allemands des Sudètes ont raison de se considérer comme opprimés, le gouvernement tchèque étant notoirement germanophobe.
En janvier 1939, dans une lettre adressée à Jean Galtier-Boissière, Berl accuse Robert Bollack, patron de l'Agence économique et financière, de corrompre des journalistes français pour qu'ils incitent à la guerre contre l'Allemagne. Robert Bollack proteste, mais Berl maintient ses allégations et Charles Maurras les confirme en avril 1939, en révélant que des Juifs américains ont remis trois millions de dollars à Raymond Philippe et à Robert Bollack pour financer une campagne belliciste. Berl dirige Pavés de Paris jusqu'à l'exode de 1940. Quand arrive celui-ci, il part dans le Sud-Ouest avant d'être appelé, le 17 juin, à Bordeaux, où Yves Bouthillier lui demande de travailler aux discours de Philippe Pétain, alors président du Conseil ; il rédige ainsi les deux discours des 23 et 25 juin où figurent, entre autres formules : {{Citation}} et {{Citation}}. Certains lui ont également attribué ce passage du discours radiodiffusé de Pétain, le {{date}}, qui exprime l'acceptation officielle de la défaite : {{citation}}. Après ce bref passage à Vichy, il se détourne du nouveau régime, rejoint à Cannes sa nouvelle épouse depuis 1941 Mireille, puis s'installe, en juillet 1941, à Argentat, en Corrèze, où il rédige une Histoire de l'Europe et où le rejoignent Bertrand de Jouvenel, de mère juive, Jean Effel, André Malraux et sa compagne Josette Clotis.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il quitte la politique pour se consacrer à la littérature et à la rédaction d'ouvrages autobiographiques, parmi lesquels, notamment, Sylvia. En 1962 Berl réalise avec l'éditrice Claude Arthaud l'album Cent ans d'histoire de France qui obtient le Grand Prix de littérature de l'Académie Française en 1967 et qu'il évoque dans un article de L'Express. La même année celle-ci envoie au couple ses Maisons du génie avec pour Berl ces mots : {{citation}}. Il est inhumé, au côté de Mireille, au cimetière du Montparnasse ({{25e}}).