Michelet, Jules (1798-1874)
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Biographie
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Origines et formation
Jules Michelet, issu d'une famille catholique venant à la fois de Picardie et des Ardennes, naît au 14 rue de Tracy dans une église déconsacrée (dépendant d’un ancien couvent de religieuses de Saint-Chaumont) occupée par l'imprimerie paternelle qui y produit à cette époque des assignats. Il est le fils unique de Jean François Furcy Michelet, maître-imprimeur ruiné par le décret de Napoléon du 5 février 1810 qui limite sévèrement le nombre des presses parisiennes et emprisonné pour dettes impayées en 1808, et d'Angélique Constance Millet, originaire d'une famille paysanne de Renwez, un village des Ardennes.
Initié par son père au travail de l'imprimerie, Jules a la possibilité d'entrer à l’Imprimerie impériale où une place lui était offerte. Cependant, son père refuse, préférant s’imposer des sacrifices pour l’envoyer étudier à l'institution Mélot, tenue par Mr Mélot, un ancien maître d’école de campagne qui lui apprend le latin, de 1809 à 1812, puis au lycée Charlemagne, dans la classe de troisième où il a pour maître Andrieu d'Alba jusqu’à 1816. Jules y poursuit des études de lettres. Licencié ès lettres le 6 juillet 1818, il peut entrer comme répétiteur à l'institution Briand. Docteur ès lettres le 27 août 1819, il est reçu troisième à l’agrégation des lettres le 21 septembre 1821.
Débuts professionnels
Après avoir fait des suppléances au lycée Charlemagne, il est nommé professeur d’histoire au Collège Sainte-Barbe-Rollin le 13 novembre 1822.
Cette période est des plus favorables pour les érudits et les hommes de lettres en France, et Michelet a de puissants appuis en Abel-François Villemain et Victor Cousin, entre autres. Bien qu’il ait des idées politiques fermes que lui a transmises son père – un républicanisme fervent teinté de romantisme libre-penseur –, il est d’abord et avant tout un homme de lettres et un enquêteur sur l’histoire du passé. Il appartient à cette école qui pense que l’histoire doit être avant tout un cours d’enseignement philosophique, et ses premiers ouvrages sont des manuels scolaires destinés, en premier lieu, à ses élèves. Il publie tout d’abord Tableau chronologique de l’histoire moderne de 1453 à 1739 en 1825, puis Tableaux synchroniques de l’histoire moderne de 1453 à 1648 en 1826. Son ouvrage suivant, Précis d’histoire moderne, publié en 1827, est un livre solide et soigné, meilleur que tout ce qui est paru auparavant, écrit dans un style sobre et néanmoins captivant. Le 3 février de la même année, il est nommé maître de conférences de philosophie et d'histoire à l’École préparatoire, future École normale supérieure.
La Monarchie de Juillet
Les événements de 1830, qui portent au pouvoir ses professeurs Abel-François Villemain et François Guizot, permettent à Michelet d'obtenir la place de précepteur royal de la princesse Clémentine puis, en octobre, celle de chef de la section historique aux Archives nationales ainsi que le titre de professeur suppléant de Guizot à la Faculté des Lettres de Paris. Cela lui donne accès à une riche documentation historique et lui permet d'étayer et d'approfondir ses idées.
En 1831, son Introduction à l’histoire universelle se démarque des ouvrages précédents par le style. Elle met en évidence ses capacités de synthèse et son talent d’écrivain, ainsi que ses étranges qualités de visionnaire qui font réfléchir, mais qui le rendent aussi moins digne de confiance en tant qu’historien. Il y expose sa vision de l’histoire comme un long combat de la liberté contre la fatalité.
Peu après, il commence son œuvre majeure, l’Histoire de France, qui va l'occuper pendant les trente années suivantes. Il accompagne cette production de nombreux autres livres, surtout d’érudition, tels que :
- les Œuvres choisies de Vico (1835, 2 volumes), en particulier une traduction libre de Scienza nuova de Giambattista Vico de 1744 sous le titre : La Science nouvelle, ou Principes de la philosophie de l’Histoire, avec une biographie de l’auteur ;
- les Mémoires de Luther écrits par lui-même que Michelet traduisit et mit en ordre (1835) ;
- les Origines du droit français (1837) ;
- Histoire romaine : république (1839) ;
- Le Procès des Templiers (1841), second tome en 1851.
Ces ouvrages, et principalement les Origines du droit français, sont écrits dans la première manière de Michelet, c’est-à-dire dans un style concis et énergique, capable de donner relief aux sujets les plus arides et de revivifier le passé. Il dit de lui-même : « Augustin Thierry avait appelé l’histoire narration ; Guizot, analyse ; je l’appelle résurrection ».
Depuis janvier 1834, suppléant de Guizot, il professe des cours à la Sorbonne à forte tonalité anglophobe, avivée par son voyage en Angleterre d'août à septembre qui le met en contact avec la Révolution industrielle et la misère ouvrière urbaine. Il fait de l'Angleterre la préfiguration de l'Europe, voire du monde futur.
1838 est une année très importante dans la vie de Michelet. Il est dans la plénitude de ses moyens, ses études ayant nourri chez lui son aversion naturelle envers les principes d’autorité et les pratiques ecclésiastiques, et à un moment où l’activité accrue des jésuites suscite une inquiétude réelle ou feinte, il est nommé à la chaire d’histoire au Collège de France, donnant sa leçon inaugurale le 23 avril devant le ministre de l'Instruction publique Salvandy. Assisté de son ami Edgar Quinet, il commence une violente polémique contre cet ordre impopulaire et les principes qu’il représente, polémique qui range leurs conférences, surtout celles de Michelet, parmi celles qui avaient à l’époque le plus de succès. Les textes de ses conférences, plus religieuses qu’historiennes ou littéraires, parurent dans trois livres, où il dénonçait la trahison de l’Église romaine face au peuple :
- en 1843, Des jésuites en collaboration avec Edgar Quinet ;
- en 1845, Du prêtre, de la femme, de la famille ;
- en 1846, Le peuple.
Ces livres ne sont pas encore empreints du style apocalyptique qui, en partie emprunté de Lamennais, caractérise les derniers ouvrages de Michelet, mais ils contiennent en prémices la presque totalité de son curieux credo éthique, politique et religieux – un mélange de romantisme, appuyé par les arguments les plus excentriques et par une grande éloquence.
Eure]], où Michelet passa une partie de sa vie.
Le clergé fut assez puissant pour faire interdire ses cours, et sa carrière publique en fut définitivement brisée, puisqu’il ne récupéra jamais son professorat.
La Deuxième République
Lors de la révolution de 1848, Michelet, au contraire de nombreux autres hommes de lettres, n’accepte pas d’entrer dans la vie politique active, bien que l’occasion lui en soit offerte. Les débordements de cette révolution, les tirs de la troupe sur le peuple notamment, le convainquent que la démocratie ne sera possible que lorsqu’une foi sera définie et enseignée à l’ensemble des citoyens.
Il se consacre avec plus de force à son travail littéraire. Outre la reprise de sa grande Histoire de France, momentanément interrompue au sixième volume au règne de Louis XI, il entreprend et termine, pendant les années qui séparèrent la chute de Louis-Philippe et l’établissement définitif de Napoléon III, une enthousiaste Histoire de la Révolution française.
Le Second Empire
Jules Michelet, photographié par Nadar, en 1856. Le coup d’État de Napoléon III a pour conséquence de resserrer le contrôle des voix qui critiquent le clergé et la royauté. Ainsi, une décision ministérielle d'avril 1852 destitue Michelet de son cours au Collège de France, ainsi que ses deux collègues et amis Edgar Quinet et Adam Mickiewicz. De même, refusant de prêter serment à l’Empire, il perd sa place aux Archives. De la mi-1852 à octobre 1853, il vit à Nantes, dans la propriété de la Haute-Forêt, tout près du boulevard qui porte aujourd'hui son nom{{,}}, où il est en contact avec les milieux républicains, en particulier avec Ange Guépin. Il poursuit son histoire de la Révolution française jusqu'à la chute de Robespierre. En octobre 1853, les Michelet partent pour quelques mois en Italie, puis reviennent à Paris.
Alors que la rédaction de sa grande œuvre historique se poursuit, une foule de petits livres assez surprenants l’accompagnent et la diversifient. Parfois, il s’agissait de versions plus étendues de certains passages, parfois de ce qu’on peut appeler des commentaires ou des volumes d’accompagnement.
Michelet n'a pas vécu assez longtemps pour achever sa dernière grande entreprise, une vaste fresque du {{s-}}. On trouva sur sa table de travail le troisième volume entièrement fini, incluant la bataille de Waterloo. Si certains pensent que sa meilleure critique est peut-être contenue dans l’incipit du dernier volume – « l’âge me presse » –, on peut dire également qu’il est mort comme il avait vécu : en travaillant.
Le retour de la République
Tombeau en marbre de Michelet. À la suite de deux attaques d'apoplexie en 1871 à Pise et à Florence, Jules Michelet est diminué et a les mains paralysées. Il meurt le 9 février 1874 d'une crise cardiaque qui le terrasse en quatre jours. Il souhaite être enterré sans cérémonie religieuse et, conformément à ses volontés, est d'abord inhumé au cimetière d'Hyères.
À la demande de sa veuve, il est inhumé le 18 mai 1876 au cimetière du Père-Lachaise à Paris (division 52) lors de funérailles officielles et publiques organisées par Gabriel Monod. La police estime que 10000 personnes suivent le cortège funéraire depuis l'appartement de Michelet rue d'Assas jusqu'au Père-Lachaise.
Son tombeau, élevé par souscription nationale et inauguré en 1882, est l’œuvre du sculpteur Antonin Mercié, sur les dessins de Jean-Louis Pascal. Michelet est représenté sous forme de gisant, devant une vue de l’Institut et une Muse allégorique qui indique du doigt l’épitaphe : « L’histoire est une résurrection ».
Michelet et les femmes
Marié par obligation le 20 mai 1824 à Pauline Rousseau (1792-1839), fille du ténor Jean-Joseph Rousseau, elle lui donne deux enfants, Adèle (1824-1855) et Charles (1829-1862). Elle est gaie et jolie mais manque de culture et Michelet la délaisse rapidement pour son travail et sa carrière. Pauline boit et meurt de la tuberculose le 24 juillet 1839.
Il a une liaison platonique à partir de 1840 avec Françoise Adèle Poullain-Dumesnil, châtelaine de Vascœuil et mère de l'un de ses élèves Alfred Dumesnil qui se mariera avec sa fille Adèle. De 1842 à 1848, Michelet a deux amours ancillaires avec les bonnes Marie et Victoire.
Le 19 mars 1849, il se marie avec Athénaïs Mialaret, fille du secrétaire de Toussaint Louverture, femme douée de certaines aptitudes littéraires, et aux sympathies républicaines, qui semble avoir davantage stimulé ses capacités. Elle lui donne en juillet 1850 un fils, Yves-Jean-Lazare, qui ne vit que quelques semaines. À la mort de Michelet, elle contribuera à la fabrication posthume du « pape de l'histoire ».